bonjour mandroune
j’ai aussi connu quelques situations comme tu l’écris, des personnes séniles (femmes comme hommes) qui envahissaient mon espace intime (en se collant à moi, voulant me caresser, réclamant des bisous…), quand on n’est pas préparé on peut se sentir agressée… fort heureusement j’avais fait un stage dans un service de médecine gériatrique long séjour… de plus je me suis auto formée en passant des heures sur des sites spécialisés…
j’ai appris que chez les personnes atteintes de la maladie d’alzheimer, au dernier stade de la vie, seule la mémoire limbique est intacte, c’est la mémoire des émotions, de l’affection… c’est la mémoire où est imprimé dans le cerveau le souvenir des premiers instants de la vie : le regard d’amour de maman, sa voix pleine de tendresse, ses caresses… tout ce qui fait que le petit enfant apprend à exister, à sentir son corps, à le différencier du corps de l’autre, à tirer plaisir du contact avec l’autre, à se reconnaître humain parmi les humains…
au dernier stade de la maladie, la personne fonctionne avec cette mémoire limbique, elle a besoin de retrouver l’ambiance affective des premiers instants de la vie… elle a besoin d’être rassurée en sentant son corps par rapport à celui de l’autre… elle a la libido du petit enfant qu’elle peut manifester par une demande constante de câlins…
la démence la désinhibe, elle n’a plus le sens du comportement à avoir en société, de la distance qu’il faut avoir avec les personnes qui ne sont pas ses intimes… ce qui désempare bien sûr les proches, les personnes non averties…
on répond tout naturellement aux demandes de câlins du petit enfant, on est même plutôt touché et attendri qu’il nous sollicite si on n’est pas un de ses proches… la même demande existe chez la personne démente, et là on est très peu préparé à de telles sollicitations… certains en éprouvent même du dégout, interprètent cette demande comme étant de l’ordre du harcèlement sexuel… le rejet de la personne aidante entraîne l’agressivité de la personne malade… c’est vraiment dommage que les avs soient si peu préparés à accompagner ces malades jusqu’au bout du chemin… on ne nous a pas enseigné de méthodes d’approche qui nous permettent d’apaiser les pa démentes, de leur venir en aide en évitant les réactions agressives de défense (je sais aussi que peu d’as y sont préparés, c’est pourquoi, malgré elles, elles sont souvent maltraitantes)…
voici comment j’approche les personnes très dégradées par la maladie d’alzheimer, j’essaye de m’inspirer des méthodes préconisées par gineste et marescotti, sans avoir eu la chance de suivre une formation dans leur centre… cela marche, je sais que mon attitude étonne les proches mais ils sont assez vite convaincu par les résultats, car mon approche douce a le don d’apaiser les pa atteints de démence
il faut savoir qu’il n’existe pas une, mais plusieurs mémoires, et savoir à quelle mémoire de la personne on peut s’adresser en fonction du stade de la maladie
dans les démences de type alzheimer (dta), les mémoires se détruisent dans l’ordre suivant :
1. mémoire immédiate
2. mémoire récente
3. mémoire ancienne (faits biographiques, savoir, sens des mots, des objets)
4. mémoire procédurale, gestes automatiques de la vie quotidienne
5. mémoire limbique : émotions (pénibles, agréables), l’ambiance affective
aux derniers stades de la maladie il ne reste que :
- la mémoires procédurale qui permet les gestes automatiques comme pour manger il faut ouvrir la bouche, mâcher, avaler... ou comme pour marcher il faut mettre un pied devant l’autre…
-et la mémoire limbique (la dernière qui reste jusqu’à dernier souffle) qui est celle de l’ambiance affective…
c’est sur ces 2 mémoires qu’il faut tabler avec les personnes démentes
il faut aussi savoir que la vision des personnes alzheimer est faussée (vision en tube, la personne voit mal sur les côtés), alors quand on s’adresse à elles il faut bien les regarder de face, en mettant le plus de bienveillance possible dans nos yeux… alors on peut leur parler, mais en y mettant beaucoup de douceur, comme si l’on s’adressait à notre bébé, même si le contenu de ce qu’on lui dit convient à la relation ad/pa (ex : monsieur albert, voulez-vous me suivre à la cuisine…), le sens des paroles n’a plus beaucoup d’importance, seul le ton de la voix compte, qui doit être plein de douceur… le regard et les paroles s’accompagnent ensuite de gestes, il s’agit ici d’amener albert à la cuisine… pour cela il faut utiliser le toucher, qui doit être un « toucher tendresse », comme prendre gentiment albert par la ou les mains… selon le stade de la maladie, je me mets sur son côté et lui prends la main, ou je reste face à lui et lui prends les deux mains et je marche à reculons jusqu’à la cuisine, tout en continuant à le regarder de face et en lui parlant gentiment et lui souriant… attention surtout à ne pas prendre « en pince » (faire étau sur les poignets ou les bras)…
et pour toutes les aides que je dois apporter je fais toujours très attention à regarder bien en face, à débiter des paroles douces en rapport avec l’action (le sens des paroles n’est pas très important, seul le ton de la voix est essentiel), et surtout à avoir toujours ce toucher particulier que gineste et marescotti appellent le toucher-tendresse.
voici ce que j’ai retenu de la méthode à propos du toucher-tendresse
« Le toucher est le fondement de l’aide, il n'y a pas d’aide sans toucher, il est communication non-verbale. Ce type de communication est sans doute le plus important. La sécurité des mobilisations, la douceur des manipulations sont indispensables à l’aidant comme à la personne aidée.
Pourtant se pose un double problème pour respecter ces priorités :
1° Le geste est inconscient à 98 %, d'après Laborit. Comment contrôler des gestes inconscients ?
2° Plus un patient est "difficile", il est agressif, souffrant, lourd, plus nos gestes seront inadaptés, violents, en totale contradiction avec ce que nous voulons être, c'est à dire des aidants. Tout cela est bien sûr involontaire, mais répond à des lois de la physique : la force est égale à la moitié de la masse multipliée par le carré de la vitesse, ce qui revient à dire que pour augmenter votre force, la masse étant invariable, vous augmentez la vitesse. Or la vitesse est incompatible avec la douceur….
Dans ce toucher si particulier, la douceur tient le rôle principal. C'est pourquoi nous supprimons les saisies en pince, qui non seulement font mal, provoquent des hématomes sur les avant-bras des personnes âgés, et même parfois des plaies ; les saisies en pince sont aussi très agressives sur le plan psychologique. A-t-on jamais vu des amoureux se balader en se tenant par le poignet ? Et chaque fois que dans notre vie quelqu'un nous a pris par le poignet, en "pince", cela été pour nous punir.
La mémoire de ces punitions liées aux saisies est profondément inscrite dans notre cerveau limbique, siège de toutes les émotions, de tous les souvenirs liés à un état corporel.
Pour une personne très dégradée sur le plan intellectuel, comme un patient Alzheimer, un dément alcoolique ou autre, qui ne peut savoir qui vous êtes, et que vous venez lui faire du bien, le laver, l'habiller, le seul langage "vrai" est le langage du toucher. Et si par malheur vous lui soulevez le bras en le saisissant en pince, il risque de vous recevoir comme un agresseur.
Encore une fois, il va falloir lutter contre le geste naturel de la pince, propre de la saisie humaine. Pour combattre ces réflexes, et passer à des saisies de soutien…
Yves Lamarre, chercheur en neuro sciences au Québec, vient de mettre en évidence que le toucher de la caresse, qui correspond à notre toucher tendresse, est une réalité neurologique dès le huitième mois de grossesse, et il a identifié les voies nerveuses et les zones du cerveau stimulées.
L'humanitude, ce qui nous lie aux autres humains, est ainsi démontrée pour le toucher et la parole. Le contact est une stimulation sensorielle qui arrive dans des zones émotionnelles du cerveau (les amygdales) avant même d'arriver dans les zones corticales. Et ce qui est extraordinaire, c'est que ces zones émotionnelles du cerveau limbique restent intègres jusqu'à la mort, dans quasiment tous les cas. Ce qui signifie que la preuve est maintenant faite que le "légume" n'existe pas, que même quand le cerveau intellectuel est détruit, quand l'expression n'est plus là, le cerveau émotionnel reste entièrement sensible. Et certains d'affirmer, comme Damasio (*), que "le siège de l'esprit que d'aucuns appellent l'âme" est dans le cerveau émotionnel. »
Les liens d'humanitude, ou de l'art d'être ensemble jusqu'au bout de la vie
« On ne voit bien qu’avec le cœur » disait le petit Prince dans le désert…
Voir lisa :
http://www.lesocial.fr/forums/read.php? ... 43&t=12843