le sujet a été du bout des levres evoqué dans une question:
Les vêtements dans l'entreprise
Info Juridique N° 159
Les vêtements « sous toutes leurs coutures »
Imposer une tenue vestimentaire
Si chaque salarié est libre de s'habiller comme il l'entend, l'employeur a le pouvoir de restreindre cette liberté en adoptant des règles justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Le contact avec la clientèle, l'hygiène et la sécurité sont autant de nécessités professionnelles qui justifient de telles restrictions. À ce titre, l'employeur a la possibilité d'exiger une tenue correcte ou d'imposer le port d'un uniforme. À tout le moins, il peut enjoindre aux salariés d'adopter une tenue décente. Si nécessaire, il sanctionne les salariés qui ne respectent pas ces règles pourvu que celles-ci soient légitimes et précises.
Éviter les discriminations
En tout état de cause, l'employeur doit être particulièrement vigilant quand il prend des décisions touchant à l'apparence physique des salariés ou concernant le port de vêtements religieux pour éviter de tomber sous le coup d'une discrimination prohibée.
Évaluer le coût des vêtements de travail
L'employeur doit fournir gratuitement les équipements de protection individuelle et certains vêtements de travail.
S'il prend en charge les dépenses d'habillement, celles-ci constituent un avantage en nature assujetti à cotisations sauf s'il s'agit de vêtements ou d'équipements de protection de la santé et de la sécurité des salariés. Ceci étant, l'administration est plus souple sur ces questions que les juges : elle admet que les dépenses en vêtements de travail sont, sous certaines conditions, des frais d'entreprise et exclues à ce titre de l'assiette des cotisations.
Enfin, l'employeur supporte les coûts d'entretien de la tenue de travail qu'il impose à ses salariés de porter.
Verser une contrepartie au temps d'habillage
L'employeur doit accorder une contrepartie à ses salariés si une double condition est remplie : le port de la tenue de travail est obligatoire, l'habillage et le déshabillage se déroulent dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.
Comment réglementer la tenue vestimentaire ?
Si chaque salarié est, en principe, libre de s'habiller à sa guise, l'employeur peut néanmoins lui imposer, sous certaines conditions, le port d'une tenue décente et correcte, voire d'un uniforme.
Quelles sont les tenues vestimentaires que l'employeur peut imposer ?
Liberté individuelle de se vêtir et pouvoirs de l'employeur. - En principe, les salariés sont libres, comme tout un chacun, de se vêtir comme ils l'entendent. Toutefois, l'employeur peut leur imposer des contraintes vestimentaires si celles-ci sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (c. trav. art. L. 1121-1 ; cass. soc. 28 mai 2003, n° 02-40273, BC V n° 178). En d'autres termes, ces exigences doivent être fondées sur l'intérêt de l'entreprise.
En pratique, ce sont les juges qui, au fil de la jurisprudence, permettent de délimiter ce qui est permis à l'employeur et ce qui lui est interdit.
En cas de contentieux, les juges du fond apprécient souverainement si les restrictions apportées à la liberté de se vêtir des salariés sont légitimes (cass. soc. 18 février 1998, n° 95-43491, BC V n° 90).
Contact avec la clientèle et port d'un uniforme. - Selon les juges et l'administration, le contact des salariés avec la clientèle relève des nécessités professionnelles justifiant des restrictions en matière vestimentaire.
Ainsi, dans les entreprises commerciales ou de prestations de services, le port d'un uniforme ou d'un insigne de fonction peut être justifié. Si nécessaire, l'employeur devra pouvoir démontrer que cette exigence est liée, dans l'intérêt de la clientèle, à l'exercice de certaines fonctions (circ. DRT 5-83 du 15 mars 1983, BO TR 83-16).
Un employeur peut imposer à une assistante responsable des réservations dans un grand hôtel de porter un uniforme (cass. soc. 13 février 2008, n° 06-43784 FD). De même, il peut être demandé à un agent de surveillance d'une société de gardiennage de porter une tenue réglementaire (cass. soc. 17 avril 1986, n° 85-41325 S). À l'inverse, un employeur ne peut pas exiger d'une salariée, agent de propreté, de porter la tenue de travail de l'ensemble du personnel de l'entreprise travaillant sur le site du centre commercial où elle est affectée (cass. soc. 20 juin 2006, n° 04-43067 D).
Contact avec la clientèle et tenue correcte exigée. - Le cas échéant, c'est à l'employeur de prouver que les salariés dont il exige une tenue correcte sont en contact avec la clientèle (CA Paris 11 octobre 2007, 21e ch., RG 04/00264). À titre d'exemple, un employeur peut interdire à une salariée en contact avec la clientèle d'une agence immobilière de se présenter au travail en survêtement (cass. soc. 6 novembre 2001, n° 99-43988, BC V n° 337). Pour la même raison, un employeur peut imposer à des agents techniques de porter le pantalon, au lieu du bermuda, sous leur blouse de travail (cass. soc. 12 novembre 2008, n° 07-42220 FD ; cass. soc. 28 mai 2003, n° 02-40273, BC V n° 178). De même, il peut être demandé à un veilleur de nuit d'hôtel de porter une cravate (CA Paris 18 janvier 1991, 22e ch. B).Nécessité d'avoir une tenue décente.
-L'employeur peut exiger de ses salariés, même s'ils ne sont pas en contact avec la clientèle, une tenue décente.
Un employeur a pu licencier une salariée qui persistait à travailler vêtue d'un chemisier transparent sans soutien-gorge car sa tenue suggestive pouvait susciter un trouble dans l'entreprise (cass. soc. 22 juillet 1986, n° 82-43824 D). En revanche, un employeur ne peut rien reprocher à une salariée qui porte des vêtements moulants dans la mesure où son comportement ne caractérise pas un abus préjudiciable à l'entreprise (CA Versailles 19 décembre 1994, 5e ch. B, RG n° 93/6568). De simples négligences vestimentaires ne justifient pas non plus un licenciement (cass. soc. 24 janvier 1991, n° 89-40761 D).
Protection en matière d'hygiène et de sécurité des salariés. - L'employeur doit, dans certains cas (ex. : travaux insalubres ou salissants), imposer aux salariés le port de vêtements de travail et d'équipements de protection individuelle pour préserver leur santé et leur sécurité (c. trav. art. R. 4321-1 et R. 4321-4). S'il ne le faisait pas, il contreviendrait à son obligation de sécurité.
De son côté, si le salarié ne porte pas sa tenue de protection, il méconnaît sa propre obligation de sécurité et peut donc être sanctionné à ce titre (cass. soc. 23 mars 2005, n° 03-42404, BC V n° 99).
Des salariés, installant des ascenseurs, doivent porter une tenue de chantier avec un casque et des gants de manutention (CE 16 décembre 1994, n° 112855). Le port d'un vêtement isolant peut être justifié pour des manipulations de produits dangereux (circ. DRT 5-83 du 15 mars 1983, BO TR 83-16). Il peut aussi être imposé de porter une blouse de travail (cass. soc. 12 novembre 2008, n° 07-42220 FD).
Où l'employeur inscrit-il les règles en matière vestimentaire ?
Dans le règlement intérieur. - L'employeur peut inscrire dans le règlement intérieur les règles relatives à la tenue vestimentaire dans l'entreprise à condition de respecter les principes déjà évoqués ci-dessus, selon lesquels les restrictions apportées doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. À titre d'exemple, imposer à tous de porter un uniforme sans aucune raison objective ou interdire de porter tout badge et tout insigne seraient disproportionnés. Les clauses imposant le port d'une tenue vestimentaire, une coiffure ou le maquillage pour des raisons d'ordre purement esthétique seraient aussi illicites (c. trav. art. L. 1321-3 ; circ. DRT 5-83 du 15 mars 1983, BO TR 83-16 ; circ. DRT 91-17 du 10 septembre 1991, BO TR 91-20).
Une clause du règlement intérieur relative à la tenue vestimentaire peut prévoir : « Compte tenu de l'activité de l'entreprise, afin de préserver une bonne entente entre les salariés, dans le respect de la dignité de chacun, une tenue vestimentaire correcte est exigée du personnel présent dans les bureaux. »
L'employeur doit veiller à ce que son règlement intérieur ne soit pas plus exigeant que la convention collective applicable à l'entreprise. Par exemple, un règlement intérieur qui impose à des ambulanciers le port obligatoire d'une cravate, en précisant « pas de jeans ni de baskets », va au-delà de la convention collective qui, elle, ne prévoit qu'une tenue soignée et le port obligatoire d'une blouse blanche. Dans ce cas, la disposition réglementaire est inapplicable (cass. soc. 19 mai 1998, n° 96-41123 D).
Dans le contrat de travail. - Avant de prévoir une tenue vestimentaire dans le contrat de travail, l'employeur doit vérifier sa convention collective. Ainsi, en l'absence de disposition expresse de la convention collective sur l'obligation de porter un uniforme, il ne peut pas en imposer un dans le contrat de travail (cass. soc. 16 janvier 2001, n°s 98-44252 et 98-44253, BC V n° 7).
L'apparence physique dans l'entreprise
L'employeur ne pourrait imposer une apparence physique particulière à des salariés que si son exigence était justifiée et proportionnée. Par exemple, le licenciement d'un pâtissier qui refusait de se couper les cheveux qu'il portait longs et sales ou de les dissimuler sous une coiffe était justifié par des raisons évidentes d'hygiène (CA Paris 28 mars 1989, 22e ch. A). À l'inverse, le licenciement d'un salarié qui portait la barbe, alors qu'il n'avait pas de contact avec la clientèle, était sans cause réelle et sérieuse (CA Nîmes 14 mai 1996, ch. soc.). L'employeur doit toutefois rester prudent pour éviter toute discrimination liée à l'apparence physique (c. trav. art. L. 1132-1).
Sanctionner le salarié contrevenant
À condition d'avoir des exigences légitimes. - Un employeur ne peut sanctionner un salarié qui refuse de se plier aux exigences vestimentaires applicables dans l'entreprise que si celles-ci sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Faute de quoi, le licenciement prononcé est sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. 18 février 1998, n° 95-43491, BC V n° 90). Si la sanction prononcée est plus légère (ex. : un avertissement), le juge peut l'annuler (c. trav. art. L. 1333-2).
La liberté de se vêtir à sa guise au temps et au lieu de travail n'entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales. En conséquence, si le salarié licencié en raison de sa tenue vestimentaire considère les restrictions imposées par l'employeur injustifiées ou excessives, il ne peut pas obtenir l'annulation de son licenciement et sa réintégration dans l'entreprise. Il peut seulement demander des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. 28 mai 2003, n° 02-40273, BC V n° 178).
À condition d'avoir défini préalablement les règles applicables. L'employeur pourra difficilement reprocher à un salarié sa tenue vestimentaire s'il n'a pas, au préalable, défini la tenue exigée et inscrit cette règle dans son règlement intérieur ou dans les contrats de travail. Par exemple, un employeur qui n'avait pas demandé à ses cadres de respecter certaines normes vestimentaires ne peut pas ensuite reprocher à un responsable commercial, attaché de direction, de porter le bermuda et ce, même si le port d'une telle tenue n'est pas habituel pour cette catégorie de salariés (CA Paris 11 octobre 2007, 21e ch. B, RG 04/00264).
Licenciement de salariés en raison de leur tenue vestimentaire (exemples)
Situations Cause réelle et sérieuse Faute grave
Tenue décente et correcte
Une salariée persistait à travailler vêtue d'un chemisier transparent sans soutien-gorge (cass. soc. 22 juillet 1986, n° 82-43824 D).
Oui (1)
-
Une salariée est licenciée car elle venait travailler en survêtement alors qu'elle était en contact avec la clientèle de l'agence immobilière qui l'employait (cass. soc. 6 novembre 2001, n° 99-43988, BC V n° 337).
Oui
-
Un charcutier a été licencié car sa tenue malpropre avait suscité des remarques chez les clients (cass. soc. 29 février 1984, n° 81-42321 D).
Oui
-
Négligence d'un copilote tant en ce qui concernait notamment sa tenue vestimentaire (cass. soc. 24 janvier 1991, n° 89-40761 D).
Non
-
Uniforme et tenue de protection
Une salariée, agent de propreté, a été licenciée pour avoir refusé de porter la tenue de travail de l'ensemble du personnel de l'entreprise travaillant sur le site d'un centre commercial où elle était affectée (cass. soc. 20 juin 2006, n° 04-43067 D).
Non (2)
-
Une salariée qui exerçait les fonctions d'assistante responsable des réservations dans un grand hôtel a été licenciée pour faute grave en raison, notamment, de son refus de porter l'uniforme imposé par son employeur (cass. soc. 13 février 2008, n° 06-43784 FD).
-
Oui
Un agent de surveillance d'une société de gardiennage refusait de porter la tenue réglementaire (cass. soc. 17 avril 1986, n° 85-41325 S).
Oui
-
Un chef de chantier avait refusé à plusieurs reprises de porter le casque de sécurité obligatoire (cass. soc. 23 mars 2005, n° 03-42404, BC V n° 99).
-
Oui
(1) En raison du trouble possible dans l'entreprise. (2) Car la contrainte vestimentaire imposée n'était pas justifiée par la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché.
Tenue vestimentaire et religion au travail
Chaque salarié a le droit d'avoir des convictions religieuses. L'employeur ne doit opérer aucune discrimination en la matière. Mais qu'en est-il de laisser apparaître sa religion dans sa tenue vestimentaire sur le lieu de travail ?
Discrimination liée à la religion interdite.
- Le principe est simple : aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération (y compris l'intéressement et les distributions d'actions), de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison d'un critère discriminatoire prohibé au nombre desquels figurent les convictions religieuses (c. trav. art. L. 1132-1 ; loi 2008-496 du 27 mai 2008, art. 2, JO du 28).
Une décision discriminatoire (ex. : licenciement) serait nulle (c. trav. art. L. 1132-4). De plus, l'employeur commettrait alors un délit (c. pén. art. 225-1 à 225-4), sachant qu'il pourrait être condamné au pénal comme complice s'il enjoignait à une autre personne (ex. : le DRH) de pratiquer une telle discrimination (c. pén. art. 121-6 et 121-7 ; rapport AN n° 695).
Restreindre le port de vêtement à connotation religieuse ?
- L'intérêt de l'entreprise peut justifier certaines limites aux libertés individuelles (en l'occurence, la liberté de se vêtir et la liberté religieuse) si cela est justifié par la tâche à accomplir. Concernant le port d'un vêtement à caractère religieux, la prudence s'impose :
- un employeur a pu refuser qu'une vendeuse au contact de la clientèle d'un centre commercial ait la tête, le cou et une partie du visage dissimulés par un foulard, d'autant qu'il acceptait le port d'un bonnet conforme aux exigences rituelles (CA Paris 16 mars 2001, 18e ch., RG 1999/31302) ;
- en revanche, les juges n'ont pas admis un tel refus lorsque la tenue ne posait pas de problème particulier avec la clientèle, dans une affaire où la salariée téléenquêtrice participait occasionnellement à des « briefs » avec les clients (CA Paris 19 juin 2003, 18e ch., RG 03/30212).
Il a également été admis qu'une animatrice sport et loisirs auprès d'enfants autistes ne puisse pas refuser d'enlever son voile et de se baigner avec les enfants pour des raisons inhérentes à la sécurité de ces derniers. Cette exigence, a estimé la HALDE, constituait un élément objectif étranger à toute discrimination, la salariée ne pouvant exécuter une des missions essentielles de son contrat de travail en opposant un tel refus (délib. 2006-242 du 6 novembre 2006 ;
www.halde.fr).
Un maximum de discernement et de prudence s'impose donc en la matière.
Tenues vestimentaires : les coûts pour l'employeur
Que l'employeur fournisse les vêtements de travail à ses salariés ou prenne en charge les frais d'entretien qui y sont liés, ces opérations ont un coût. Divers moyens sont à sa disposition pour gérer ces frais : avantages en nature, frais professionnel, primes, etc.
Fourniture gratuite de vêtements par l'employeur
L'employeur peut être amené à fournir les vêtements de travail si une convention collective le lui impose. De même, certaines dispositions légales imposent à l'employeur la fourniture des vêtements.
Ainsi, les équipements de protection individuelle (EPI) et les vêtements de travail appropriés au caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux exigés doivent être fournis gratuitement par l'employeur. Celui-ci doit en assurer le bon fonctionnement et le maintien dans un état hygiénique satisfaisant au moyen d'entretiens, de réparations et de remplacements si nécessaire (c. trav. art. R. 4323-95).
Les juges et la fourniture gratuite de vêtements
Avantage en nature. - Les dépenses d'habillement sont en principe des dépenses personnelles du salarié. Lorsque l'employeur les prend en charge, la jurisprudence considère qu'elles peuvent constituer un avantage en nature ou en espèces.
Il a ainsi été jugé que la fourniture gratuite par l'employeur, à ses salariés, d'articles d'habillement constitue un avantage en nature, accordé en contrepartie du travail, qui doit être assujetti à cotisations, même si les tenues sont utilisées dans le cadre de l'activité professionnelle (cass. soc. 18 mars 1993, n° 90-21540 FD).
Exception admise. - La seule exception au principe de l'assimilation à des avantages en nature admise par les juges concerne la prise en charge par l'employeur des vêtements ou équipements destinés à assurer la protection des salariés (c. trav. art. R. 4321-5). Les dépenses sont alors considérées comme des frais professionnels (cass. soc. 17 janvier 2002, n° 00-13091, BC V n° 18), c'est-à-dire des frais engagés par le salarié pour accomplir sa mission dans l'entreprise. L'employeur n'a alors pas à prélever de cotisations sur les dépenses liées aux vêtements (voir Dictionnaire Social, « Frais professionnels »).
Encore faut-il que ces vêtements ou équipements présentent certaines caractéristiques. Ainsi, il a été précisé que des « bleus de travail » sont exclus de l'assiette des cotisations uniquement si des contraintes particulières existent, qui permettent de les considérer comme des équipements de protection dont la fourniture est constitutive de frais d'entreprise (cass. soc. 15 mars 1990, n°s 87-14780 et 87-14885, BC V n° 118).
Par ailleurs, les juges rejettent comme équipement de protection individuelle des vêtements de travail aux couleurs vives mis à la disposition du personnel s'ils ne présentent pas des propriétés protectrices particulières (cass. soc. 7 mars 1991, n° 88-15954, BC V n° 115). Dans le même sens, la présence de bandes réfléchissantes sur les vêtements ne suffit pas à leur conférer les caractéristiques de vêtements de protection (cass. soc. 20 mars 1997, n° 95-16747 FD).
L'administration et la fourniture gratuite de vêtements
Position plus souple. - L'administration est plus souple que les juges en matière de tenues vestimentaires puisque les critères de celle-ci (qui permettent l'exonération de cotisations sur les dépenses vestimentaires engendrées par l'employeur) sont plus larges (circ. DSS/5B 2003-7 du 7 janvier 2003).
Ainsi, pour l'administration, les vêtements de travail répondant à certains critères sont assimilés à des frais d'entreprise (c'est-à-dire des frais liés à l'activité de l'entreprise elle-même et non inhérents à l'emploi du salarié). Les dépenses concernant ces vêtements sont donc exclues de l'assiette des cotisations, que l'employeur mette ces vêtements gratuitement à disposition des salariés ou qu'il leur rembourse l'achat effectué pour le compte de l'entreprise.
La qualification de « frais d'entreprise » fait que ces sommes sont exonérées de cotisations de sécurité sociale, même si l'employeur applique une déduction forfaitaire supplémentaire pour frais professionnels (ex. : ouvriers du bâtiment, personnel navigant de l'aviation).
Vêtements considérés comme des frais d'entreprise. - Selon l'administration, entrent dans la catégorie des frais d'entreprise les vêtements (circ. DSS/5B 2005-389 du 19 août 2005, question/réponse n° 59) :
- répondant aux critères de vêtements de protection individuelle, à savoir des vêtements appropriés au caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux exigés (c. trav. art. R. 4321-4) ;
- ou de coupe et de couleur (critères concernant les uniformes plus particulièrement) fixées par les entreprises, spécifiques à une profession, et qui répondent à un objectif de salubrité, de sécurité ou concourent à la démarche commerciale de l'entreprise.
Il peut s'agir( de tailleurs d'hôtesse de l'air, de vêtements de cuisinier ou d'autres vêtements comportant le logo de l'entreprise.
Pour être assimilés à des frais d'entreprise, il faut en outre que :
- ces vêtements demeurent la propriété de l'employeur et ne soient pas portés en dehors de l'activité professionnelle,
- leur port soit rendu obligatoire par une disposition conventionnelle individuelle ou collective, ou une réglementation interne à l'entreprise .
- sachant que si nécessaire, l'employeur doit être en mesure de produire la disposition imposant le port du vêtement, et d'apporter la preuve que le vêtement est resté la propriété de l'entreprise.
Le principe selon lequel les vêtements doivent rester la propriété de l'employeur connaît une exception : en effet, l'administration applique le même régime de faveur si les vêtements sont loués à une entreprise de location-service, pourvu que les autres conditions énoncées ci-dessus soient remplies (circ. DSS/5B 2005-389 du 19 août 2005, questions/réponses n°s 59 et 87).
Frais d'entretien des vêtements
L'employeur doit prendre en charge les dépenses liées à l'achat et la fourniture des vêtements professionnels, mais également les frais d'entretien de ceux-ci. Il peut s'agir, par exemple, de frais de lavage ou de réparation.
Prise en charge obligatoire. - L'obligation de prise en charge des frais d'entretien par l'employeur a d'abord trait aux mesures relatives à la sécurité, l'hygiène et la santé au travail. En effet, celles-ci ne doivent en aucun cas entraîner de charges financières pour les salariés (c. trav. art. L. 4122-2).
L'employeur doit donc prendre en charge les frais d'entretien des tenues qu'il impose aux salariés pour des raisons de sécurité, d'hygiène et de santé au travail. Ainsi, l'employeur est tenu d'assurer, par des entretiens, réparations et remplacements nécessaires, le bon fonctionnement et le maintien dans un état hygiénique satisfaisant des équipements de protection individuelle et des vêtements de travail qu'il fournit gratuitement (c. trav. art. R. 4323-95).
Par extension, il a été admis que l'employeur qui impose plus généralement à ses salariés le port d'une tenue de travail doit supporter les coûts d'entretien de ces vêtements. Cette prise en charge est obligatoire dès lors que le port de la tenue est exigé par l'employeur et inhérent à l'emploi, et ce, quelles que soient les raisons justifiant le port du vêtement (ex. : stratégie commerciale de l'entreprise) (cass. soc. 21 mai 2008, n° 06-44044, BC V n° 108).
L'employeur prend en charge l'entretien des vêtements que portent, dans un supermarché, non seulement les bouchers et poissonniers, mais également les caissières ou managers de rayons (cass. soc. 21 mai 2008, n° 06-44044, BC V n° 108).
En tout état de cause, l'employeur peut soit rembourser les frais réellement exposés par le salarié (ex. : facture de pressing), soit les prendre en charge directement.
Exonération au titre des frais d'entreprise. - Les frais d'entretien des vêtements sont exonérés de cotisations en tant que frais d'entreprise si les vêtements auxquels ils se rapportent répondent bien aux conditions exigées par l'administration pour les assimiler à des frais d'entreprise (voir p. 27 ; circ. DSS/5B 2003-7 du 7 janvier 2003).
L'employeur peut prendre ces frais en charge soit directement (il assure l'entretien des vêtements), soit en remboursant les frais, soit en allouant une prime. Lorsqu'il donne une prime, type « prime de salissure », l'administration estime que la prime n'est pas considérée comme frais d'entreprise lorsque (circ. DSS/5B 2005-389 du 19 août 2005, question/réponse n° 99) :
- la prime est calculée uniformément ou en pourcentage du salaire et sans justification des dépenses réellement engagées ;
- la prime est versée pendant la période des congés payés ;
- ou la prime est payée à la quasi-totalité du personnel alors qu'il n'est justifié ni de frais anormaux de salissure, ni de l'utilisation effective de la prime conformément à son objet (peu importe que le versement soit imposé par une convention collective).
Les juges retiennent la même position. En effet, une prime de salissure, dont le montant varie en fonction de la qualification, qui ne tient pas compte du risque de salissure et qui est versée même en période de congés payés est requalifiée en salaire, et n'est pas considérée comme relevant des frais d'entreprise (cass. soc. 27 avril 1982, n° 81-12234 FD).
La requalification de la prime de salissure en élément de salaire entraîne pour l'employeur un assujettissement à cotisation sur les sommes versées, dans les mêmes conditions que pour n'importe quel autre élément de salaire.
Ceci étant, si l'employeur verse une prime forfaitaire de salissure, et même si cette prime est versée alors que le salarié n'effectue pas vraiment un travail salissant (ex. : salarié d'une pharmacie et la prime de blouse afférente), il y a tout de même exonération au titre des frais d'entreprise dès lors que (circ. DSS/5B 2005-389 du 19 août 2005, question/réponse n° 99) :
- le vêtement demeure la propriété de l'employeur ;
- le port du vêtement est obligatoire ;
- les dépenses d'entretien sont justifiées en vertu de dispositions conventionnelles ou d'une réglementation interne à l'entreprise
Attention cependant, le seul fait qu'une entreprise soit spécialisée dans les travaux salissants et que les salariés soient exposés à des dépenses vestimentaires supplémentaires ne suffit pas à apporter la preuve de l'utilisation conforme de la prime de salissure (cass. soc. 19 juillet 2000, n° 98-18620 FSD). L'employeur doit donc rester prudent, les juges pouvant parfois être plus sévères que l'administration.
Vêtements gratuits, réductions tarifaires, bons d'achat
L'employeur peut remettre des bons d'achat de vêtements (« bons d'habillement ») à ses salariés. Leur remise constitue un avantage en nature soumis à cotisations, sous réserve des tolérances admises par l'administration en matière de bons d'achat et cadeaux .
Sauf à rentrer dans ces mêmes tolérances, l'attribution de vêtements gratuits par l'employeur constitue également en principe un avantage en nature soumis à cotisations, même s'il s'agit de vêtements fabriqués ou commercialisés par l'entreprise employeur. En effet, la seule autre tolérance admise par l'administration concerne les réductions tarifaires d'au plus 30 % sur les produits réalisés ou vendus par l'entreprise (circ. DSS/5B 2003-7 du 7 janvier 2003 et circ. DSS/5B 2005-389 du 19 août 2005, question/réponse n° 59).
Temps de travail s'il y a une tenue de travail
Demander à des salariés de porter des vêtements professionnels pose des problématiques en matière de temps de travail. Comment l'employeur doit-il considérer le temps consacré à l'habillage, et au déshabillage, et celui pour se rendre d'un vestiaire au poste de travail ?
S'habiller, est-ce travailler ? - Le temps d'habillage n'est pas, légalement, du temps de travail effectif (un accord collectif ou le contrat de travail peut être plus favorable). En revanche, lorsque le port d'une tenue de travail est obligatoire et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, le temps nécessaire à ces opérations doit faire l'objet de contreparties sous forme de repos ou financière (c. trav. art. L. 3121-3).
Pour les juges, cette formulation n'impose pas que l'habillage et le déshabillage aient lieu dans l'entreprise ou sur le lieu de travail (cass. soc. 26 mars 2008, n° 05-41476, BC V n° 73). Simplement, l'obligation pour l'employeur d'accorder aux salariés une contrepartie s'applique uniquement si deux conditions distinctes sont remplies :
- le port de la tenue de travail est obligatoire ;
- l'habillage et le déshabillage ont lieu dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.
La jurisprudence considérait antérieurement qu'en cas de port obligatoire d'une tenue de travail, l'habillage et le déshabillage devaient nécessairement être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail (cass. soc. 26 janvier 2005, n° 03-15033, BC V n° 34).
Contreparties ou salaire ? Les contreparties doivent être déterminées par convention ou accord collectif ou, à défaut, par le contrat de travail (c. trav. art. L. 3121-3). Par convention ou accord collectif, il faut entendre aussi bien une convention ou un accord de branche qu'un accord d'entreprise (circ. du 3 mars 2000, fiche 2) .
En l'absence de négociation, le juge peut ordonner sous astreinte à l'employeur d'organiser une réunion en vue de la conclusion d'un accord collectif tendant à fixer les modalités d'application des dispositions légales (cass. soc. 26 janvier 2005, n° 03-15033, BC V n° 34).
Lorsque l'employeur doit des contreparties, il lui appartient de prouver qu'il les a accordées. À défaut, il doit rémunérer le temps d'habillage et de déshabillage comme du temps de travail effectif (cass. soc. 12 juillet 2006, n° 04-45441, BC V n° 264).
Trajet « vestiaire- pointeuse ». - Le fait que le salarié doive porter une tenue de travail permet-il, de considérer que le temps de déplacement au sein de l'entreprise entre le vestiaire après l'habillage et la pointeuse avant la prise de poste, constitue un temps de travail effectif ? La question se pose à l'identique pour le trajet après que le salarié a quitté son poste de travail.
Pour répondre oui, il faut que ce temps de déplacement soit du travail effectif, c'est-à-dire que les salariés soient à la disposition de leur employeur et tenus de se conformer à ses directives (cass. soc. 13 juillet 2004, n° 02-15142, BC V n° 205).
Les juges décident au cas par cas. Ainsi, il importait peu que l'employeur impose aux salariés de se mettre en tenue dans un vestiaire de l'entreprise avant d'occuper leur poste et qu'il existe un temps incompressible de déplacement en tenue (même insignifiant) dans la mesure où les pointeuses n'étaient pas situées à proximité immédiate des vestiaires (cass. soc. 31 octobre 2007, n° 06-13232, BC V n° 182).
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