Re: Surveillant de nuit qualifié
Publié : 17 janv. 2009 10:44
Faute de l'employeur ou d'un tiers
Info Juridique N° 176
Faute inexcusable de l'employeur
En cas de faute inexcusable de l'employeur, le salarié victime d'un accident du travail bénéficie d'une meilleure indemnisation. L'employeur en supporte les conséquences financières.
Définition de la faute inexcusable
Caractéristiques de la faute
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Violation de l'obligation de sécurité de résultat. - La loi prévoit une meilleure indemnisation de la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur, mais ne définit pas celle-ci. Ce sont les tribunaux qui l'ont caractérisée. Considérant que l'employeur est, en vertu du contrat de travail qui le lie à son salarié, tenu à une obligation de sécurité de résultat, les juges estiment que tout manquement à cette obligation révélé par la maladie ou l'accident a le caractère d'une faute inexcusable si :
- l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il a exposé le salarié ;
- et n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour l'en préserver (cass. soc. 28 février 2002, n° 00-10051, n° 99-18389, n° 00-11793, BCV n° 81 ; cass. civ. 2e ch., 6 avril 2004, n° 02-30688, BC II n° 153).
De plus, lorsque le travail s'exécute dans les locaux d'une autre entreprise, l'employeur a le devoir de se renseigner sur les dangers encourus par le salarié, sous peine de voir sa responsabilité engagée sur le fondement du manquement à son obligation de résultat (cass. civ. 2e ch., 8 novembre 2007, n° 07-11219 FPB).
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Preuve par la victime. - C'est à la victime d'apporter la preuve de cette conscience du danger ou du défaut des mesures appropriées (cass. civ. 2e ch., 22 mars 2005, n° 03-20044, BC II n° 74 ; cass. soc. 2 octobre 2008, n° 07-18437 FD). Le régime de droit commun de la preuve est applicable : le salarié dispose de 2 ans, à compter de l'accident ou de la maladie, pour prouver le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat (c. séc. soc. art. L. 431-2).
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Faute en lien avec le dommage. - La faute est retenue s'il est révélé un manquement de l'employeur en relation avec le dommage (cass. soc. 31 octobre 2002, n° 01-20445, BC V n° 336), même si les circonstances de l'accident sont restées incertaines (cass. civ. 2e ch., 16 septembre 2003, n° 01-20780, BC II n° 141).
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Faute non déterminante dans la survenance de l'accident. - La faute n'a pas à être déterminante dans la survenance de l'accident, il suffit qu'elle soit une cause nécessaire, peut important que d'autres fautes aient concouru au dommage (cass. soc. 31 octobre 2002, n° 00-18359) et, en particulier, que la victime ait elle-même commis une imprudence (cass. civ. 2e ch., 12 mars 2003, n° 01-21071). Toutefois, les tribunaux peuvent prendre en compte la responsabilité de la victime dans la survenance de la maladie ou de l'accident dans le montant de l'indemnisation qui lui est allouée.
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Étendue de la responsabilité de l'employeur. - La faute de l'employeur est retenue s'il met en danger le salarié dans son intégrité physique, mais également psychologique, en particulier en laissant les relations de travail se dégrader au point de pousser un salarié à une tentative de suicide (cass. civ. 2e ch., 22 février 2007, n° 05-13771, BC II n° 54).
Par ailleurs, le fait que l'employeur n'ait pas commis de faute d'une exceptionnelle gravité ne permet pas d'écarter sa responsabilité (cass. civ. 2e ch., 14 octobre 2003, n° 02-30231 et 02-30233, BC II n° 300).
Conscience du danger par l'employeur
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Élément déterminant de la faute inexcusable. - La conscience du danger que l'employeur avait ou aurait dû avoir des risques encourus constitue un élément déterminant de la faute inexcusable. Son contour s'apprécie :
- en l'état des connaissances scientifiques (cass. soc. 28 février 2002, n° 99-17221, BCV n° 81) ;
- au regard du sentiment que l'employeur doit normalement avoir compte tenu de son expérience et de ses connaissances professionnelles (cass. soc. 7 février 1962, n° 61-10139, BCV n° 158).
Elle est évidente si l'employeur n'a pas mis en adéquation la qualification du salarié avec le travail qu'il lui a confié (cass. soc. 16 mars 2004, n° 02-30834, BC II n° 122), ou n'a pas respecté les obligations de sécurité ou de surveillance, ou encore n'a pas tenu compte de mises en garde extérieures : de l'inspection du travail, du CHSCT, etc. Pour des exemples, se reporter au tableau ci-dessous.
En tout état de cause, lorsque la conscience du danger est établie et que l'employeur n'a pas pris les mesures appropriées pour écarter ce danger, l'établissement de sa bonne foi ne peut pas aboutir à écarter l'action en reconnaissance de sa faute inexcusable (cass. civ. 2e ch., 16 septembre 2003, n° 02-30670, BC II n° 264).
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Conscience du danger et amiante. - Au départ, la jurisprudence retenait la faute inexcusable de l'employeur lorsque l'amiante était utilisée comme matière première dans le processus de fabrication auquel était exposé le salarié (cass. soc. 28 février 2002, n° 99-17221, BCV n° 81). Ensuite, elle a estimé qu'il suffisait que l'amiante soit utilisée dans l'entreprise, sans qu'elle le fût nécessairement comme matière première (cass. civ. 2e ch., 22 juin 2004, n° 03-30223, BC V n° 306). Puis, la Cour a jugé que le contact avec l'amiante pouvait être indirect ou occasionnel (cass. civ. 2e ch., 31 mai 2006, n° 04-30654, BC II n° 141). Récemment, elle a affiné sa position et regardé la conscience du danger en fonction de la qualité de l'employeur. Ainsi, une entreprise comme EDF - compte tenu de son importance, de son organisation, de la nature de son activité et des travaux auxquels elle avait affecté son salarié - pouvait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel elle avait exposé son salarié atteint d'une maladie professionnelle liée à l'amiante. Peu important, à cet égard, qu'EDF n'ait pas l'amiante comme matière première ni n'ait participé à l'activité industrielle de fabrication ou de transformation de l'amiante (cass. civ. 2e ch., 3 juillet 2008, n° 07-18689 FPB).
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Conscience du danger et décision pénale. - Le fait que l'employeur ait été condamné au pénal pour une infraction aux règles de sécurité pèse fortement dans le processus de reconnaissance de la faute inexcusable. En effet, le juge civil ne peut pas méconnaître ce qui a été jugé au pénal en ce qui concerne l'existence (ou la qualification du fait incriminé) ou en ce qui concerne la culpabilité de l'employeur auquel le fait est imputé (cass. soc. 27 janvier 1988, n° 85-18117 D). Surtout, et le plus souvent, la reconnaissance par le juge pénal de la culpabilité de l'employeur à la suite d'un accident caractérise le plus souvent la conscience du danger qu'il avait ou aurait dû normalement avoir (cass. soc. 23 janvier 2003, n° 00-20745 D). Par ailleurs, si le juge pénal déclare l'absence de faute pénale par imprudence, la Cour de cassation estime néanmoins que, dans cette situation, la faute inexcusable peut quand même être retenue (par exemple, la relaxe du chef d'entreprise poursuivi pour homicide involontaire n'exclue pas sa faute inexcusable) (cass. soc, 28 mars 2002, n° 00-11627, BC V n° 110).
Action en réparation au titre de la faute inexcusable
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Procédure de conciliation. - Lorsque la faute inexcusable de l'employeur est susceptible d'être mise en cause, la caisse primaire doit engager une procédure de conciliation à la demande de la victime, ou à son initiative, en vue d'aboutir à un accord amiable avec l'employeur sur l'existence d'une telle faute et sur le montant des indemnités complémentaires à verser (lettre CNAMTS du 30 novembre 1977). À l'issue de la conciliation, un procès-verbal doit être rédigé qui constate la conciliation (totale ou partielle) ou son échec. Dans ce dernier cas, c'est le tribunal des affaires de la Sécurité sociale (TASS) qui en décide, saisi par la victime (ou ses ayants droits) ou la caisse. La partie qui a pris l'initiative doit appeler l'autre partie en déclaration de jugement commun (c. séc. soc. art. L. 452-4).
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Recevabilité de l'action. - L'action en reconnaissance de la faute inexcusable doit être dirigée à l'encontre de l'employeur. Elle est recevable même si l'accident n'a pas été pris en charge en tant qu'accident du travail (par exemple, il a été indemnisé au titre des assurances sociales), mais le caractère professionnel de cet accident doit être préalablement démontré par les juges du fond (cass. civ. 2e ch., 20 mars 2008, n° 06-20348 FPB). En revanche, la faute inexcusable ne peut pas être retenue lorsque la cause de l'accident reste indéterminée (cass. civ. 2e ch., 16 novembre 2004, n° 02-31003 D).
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Prescription de l'action. - L'action en reconnaissance de la faute inexcusable se prescrit par deux ans à compter :
- de l'accident ou de l'information du lien possible entre la maladie et le travail ;
- de la cessation du travail ;
- de la cessation du paiement des indemnités journalières de sécurité sociale ;
- ou de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident (cass. soc. 3 avril 2003, n° 01-20872, BC II n° 98).
Le plus récent de ces événements est retenu (c. séc. soc. art. L. 431-2 ; cass. civ. 2e ch., 29 juin 2004, n° 03-10789, BC II n° 331 ; cass. civ. 2e ch., 18 janvier 2005, n° 03-17564, BC II n° 13).
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Interruption du cours de la prescription. - La saisine de la caisse aux fins de conciliation (voir § 204) interrompt le cours de la prescription biennale (cass. soc. 7 octobre 1987, BC V n° 531). Celui-ci est également interrompu par l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident (c. séc. soc., art. L. 431-2). Enfin, la prescription est interrompu lorsqu'une action pénale est engagée contre l'employeur sur les faits susceptibles d'entraîner la reconnaissance d'une faute inexcusable (c. séc. soc. art. L. 431-2 ; cass. soc. 23 janvier 2003, n° 01-20945, BC V n° 20).
En revanche, les actions portées devant les juridictions judiciaires (mais non de la sécurité sociale) n'interrompent pas le cours de la prescription (s'agissant, par exemple, d'actions menées en vue d'indemniser le préjudice lié à une dépression nerveuse) (cass. civ. 2e ch., 17 janvier 2008, n° 06-21556, FSPB).
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Enjeux. - En principe, l'accident du travail est réparé forfaitairement (voir § 162). Mais lorsque la faute inexcusable de l'employeur est retenue, le salarié est indemnisé quasi intégralement. Il a ainsi droit à une majoration des indemnités qui lui sont versées (majoration de l'indemnité en capital ou de la rente). Il peut également obtenir la réparation de certains de ses préjudices, voire une indemnité forfaitaire supplémentaire (c. séc. soc. art. L. 452-1 à L. 452-3). Du côté employeur, la reconnaissance de sa faute inexcusable emporte des conséquences financières : il doit rembourser la caisse primaire des indemnités qu'elle a avancées et régler une cotisation complémentaire.
Majoration de rente ou d'indemnité
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Montant. - Le montant de la majoration de la rente, ou de l'indemnité, est calculé en fonction de la réduction de la capacité dont la victime est atteinte et non, comme c'était le cas avant un arrêt du 19 décembre 2002 (cass. soc. 19 décembre 2002, n° 01-20447, BC V n°400), en fonction de la gravité de la faute commise par l'employeur. Aussi, la majoration :
- est fixée à son montant maximum (cass. civ. 2e ch., 23 novembre 2006, n° 05-13426) ;
- peut être réduite en cas de faute inexcusable du salarié lui-même (cass. civ. 2e ch., 23 novembre 2006) - entendue comme « une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience » (cass., civ. 2e ch., 27 janvier 2004, n° 02-30693, BC II n° 25) - , mais non du fait de sa simple faute ou de celle d'un tiers (cass. ass. plén., 24 juin 2005, n° 03-30038, Bull. Ass. Plén., n° 7) ;
- suit l'évolution du taux d'incapacité et n'est plus fixée (comme c'était le cas auparavant) une fois pour toutes (cass. civ. 14 décembre 2004, n° 03-30451, BC II n° 522).
La majoration de rente constitue une prestation de sécurité sociale due par la caisse primaire dans tous les cas où une maladie (ou un accident) entraîne le versement d'une rente (cass. civ. 2e ch., 31 mai 2006, n° 05-16807, BC II n° 143).
La rente se calcule sur le même salaire que la rente ordinaire.
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Plafond. - Si une indemnité en capital a été attribuée à la victime (en cas d'incapacité permanente inférieure à 10 %), le montant de la majoration ne peut pas dépasser le montant de cette indemnité. Si une rente lui a été allouée, la majoration de rente ne peut pas avoir pour effet de faire dépasser aux rentes (rente d'incapacité et majoration) :
- la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité ;
- ou le montant de ce salaire en cas d'incapacité totale (c. séc. soc. art. L. 452-2, al. 2 et 3).
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Revalorisation. - La majoration de rente, ou d'indemnité, est revalorisée comme une rente accident du travail normale (c. séc. soc. art. L. 452-2, al. 5).
Réparation de certains préjudices de la victime
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Juge compétent. - La victime peut engager une action en réparation de ses préjudices personnels contre l'employeur uniquement devant la juridiction de sécurité sociale (tribunal des affaires de sécurité sociale).
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Réparations possibles. - Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, la victime peut aussi demander à l'employeur réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, des préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle (c. séc. soc. art. L. 452-3).
Le montant de ces réparations tient compte du taux de majoration de la rente (cass. soc. 28 mars 1996, n° 93-14540, BC V n° 128).
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Promotion professionnelle. - La victime peut ainsi prétendre à une indemnisation par l'employeur du fait de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle :
- dans une autre entreprise que celle où est intervenu l'accident (cass. civ. 2e ch., 20 septembre 2005, n° 04-30278, BC II n° 225),
- dans l'entreprise où s'est produit l'accident si ses chances de promotion ont été effectivement compromises (cass. soc. 17 novembre 1994, n° 92-14831 D).
Dans tous les cas, la victime doit justifier d'un préjudice certain, distinct de celui résultant de son déclassement professionnel qui est réparé par la rente (cass. soc. 9 avril 1998, n° 96-16474 D), étant précisé que le caractère sérieux des chances de promotion :
- ne peut résulter du seul jeune âge (cass. soc. 28 juin 2001, n° 99-17594 D),
- et suppose une formation professionnelle de nature à faire espérer à la victime une telle promotion (cass. civ. 2e ch., 18 janvier 2005, n° 03-10696 D).
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Indemnité d'agrément. - La privation des agréments d'une vie normale - distincte du préjudice résultant de l'incapacité permanente - justifie l'octroi d'une indemnité de caractère personnel. Ainsi, une indemnité spécifique d'agrément peut être allouée en raison d'une altération sensible de la capacité de la victime d'accomplir des « gestes banals » (cass. soc. 5 janvier 1995, n° 92-15958, BC V n° 10) ou de se livrer longtemps à des activités de loisir sans ressentir des troubles (cass. soc. 28 mai 1998, n° 96-17333 D). La réparation du préjudice subjectif de caractère personnel a été admise en raison de la privation des « agréments d'une vie normale » endurée par des victimes empêchées de toute activité physique, de toute vie sociale ou familiale et soumises à d'importantes contraintes dues au traitement (cass. civ. 2e ch., 11 octobre 2005, n° 04-30360, BC II n° 242).
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Réparations exclues. - La victime ne peut pas obtenir la prise en charge de dépenses d'aménagement d'un appartement pour l'adapter à une infirmité (cass. soc. 18 juillet 1997, n° 95-17047 D) ou des frais de fauteuil roulant, de véhicule automobile adapté et de parapharmacie (même arrêt), non plus que des frais couvrant l'embauche d'une tierce personne pour la conduire sur les marchés où elle vendait des produits agricoles (cass. soc. 28 mars 1996, n° 93-14540, BCV n° 128) : l'ensemble de ces dépenses ne sont pas comprises dans la liste visée à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Indemnisation des ayants droit
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Majoration de rente. - En cas d'accident mortel, les ayants droits peuvent obtenir une majoration de la rente qui leur revient. Le montant de cette majoration est fixé de façon à ce que le total des rentes et majorations allouées à tous les ayants droits ne puisse dépasser le montant du salaire annuel de référence de la victime. Si la rente d'un ayant droit cesse d'être due, un ajustement est opéré (c. séc. soc. art. L. 452-2, al. 4). S'il ne reste plus qu'un seul ayant droit, ce dernier bénéficie d'une indemnisation égale au salaire de référence de la victime (cass. civ. 2e ch., 21 décembre 2006, n° 05-15051, BC II n° 378).
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Indemnisation du préjudice moral. - En cas d'accident mortel imputable à la faute inexcusable de l'employeur, les ayants droit de la victime - ainsi que les ascendants et les descendants de cette dernière, mais non ses frères et sœurs (cass. soc. 18 mai 2000, n° 98-22771, BC V n° 190) - peuvent prétendre à la réparation de leur préjudice moral, peu important qu'ils aient ou non droit à une rente d'ayant droit (cass. soc. 23 mai 2002, n° 00-14125, BCV n° 177) ou qu'ils aient été à la charge ou non de la victime (cass. civ. 2e ch., 22 juin 2004, n° 03-30223, BC II n° 306). Les ayants droit ne peuvent pas être indemnisés deux fois s'ils ont déjà obtenu gain de cause au pénal. Par ailleurs, les descendants de la victime ne peuvent pas prétendre à la réparation de leur préjudice économique (cass. civ. 2e ch., civ., 16 octobre 2008, n° 07-14802 et 07-17367 P).
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Indemnisation du préjudice personnel. - Les ayants droit sont en mesure d'exercer non seulement l'action en réparation du préjudice moral qu'ils subissent personnellement du fait du décès, mais aussi l'action en réparation du préjudice personnel de la victime résultant de sa maladie (cass. civ. 20 septembre 2005, n° 04-30110, BC II n° 226).
Conséquences pour l'employeur
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Deux conséquences financières. - Lorsque la faute inexcusable de l'employeur est retenue, la caisse se retourne vers lui pour obtenir remboursement des indemnités qu'elle a versées. C'est ce qu'on appelle communément « l'action récursoire de la caisse ». En outre, l'employeur supporte la majoration de rente sous la forme d'une cotisation supplémentaire.
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Action récursoire de la caisse. - La caisse verse directement aux bénéficiaires la réparation du préjudice moral et en récupère le montant auprès de l'employeur, ce dernier ne pouvant pas se voir réclamer directement les sommes dues (c. séc. soc. art. L. 452-3 et cass. civ. 2e ch., 23 mars 2004, n° 02-31113). Cette action récursoire est soumise à la prescription de droit commun (cass. soc. 19 octobre 2000, n° 98-17811, BCV n° 339). Elle n'est pas recevable si la décision de prise en charge de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle n'est pas opposable à l'employeur (cass. civ. 31 mai 2006, n° 04-30876). En tout état de cause, elle doit être intentée à l'encontre de la personne qui a la qualité juridique d'employeur, c'est-à-dire, s'il s'agit d'une société, contre celle-ci et non contre son dirigeant (cass., 2e ch. civ., 10 juin 2003, BC II n° 178).
Aussi, dans le cas particulier du travail temporaire, elle est dirigée contre l'entreprise de travail temporaire qui dispose, elle, d'une action récursoire contre l'entreprise utilisatrice pour se faire rembourser des indemnités complémentaires qu'elle a versées (c. séc. soc. art. L. 452-1 ; cass. civ. 2e ch., 24 mai 2007, n° 07-11771). Un partage de responsabilités entre les deux entreprises (à hauteur de 3/4 pour la société de travail temporaire et 1/4 pour la société utilisatrice) a toutefois été admis, dans une affaire tranchée en février 2008 par la Cour de cassation, car la société utilisatrice n'avait pas mis en œuvre son obligation de formation renforcée à la sécurité alors que le salarié était affecté à des travaux dangereux (cass. civ. 2e ch., 21 février 2008, n° 07-11771). Par ailleurs, dans l'hypothèse où une société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, la caisse ne peut exiger de l'ancienne gérante le remboursement sur ses fonds personnels des prestations versées à la victime (cass. civ. 2e ch., 10 juin 2003, n° 01-21004, BC II n° 178).
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Cotisation complémentaire. - L'employeur supporte la majoration de rente sous la forme d'une cotisation complémentaire (recouvrée par l'URSSAF) dont le taux ne peut pas excéder 50 % de la cotisation normale ni 3 % des salaires servant de base à cette cotisation (c. séc. soc. art. L. 452-2 et R. 452-1). Le taux est fixé en accord avec l'employeur ou par voie contentieuse par la caisse régionale d'assurance maladie, sur proposition de la caisse primaire, sauf recours devant la juridiction de la sécurité sociale (c. séc. soc. art. L. 452-2). La cotisation complémentaire est applicable au premier jour du mois qui suit la décision. Il est possible de convertir la cotisation en un capital, qui devient immédiatement exigible en cas de cessation de l'entreprise. En tout état de cause, la cotisation complémentaire ne peut pas être perçue pendant plus de vingt ans (c. séc. soc. art. R. 452-1) et si l'établissement où travaillait la victime a cessé toute activité, l'employeur reste tenu de rembourser les sommes versées au titre des divers préjudices (voir § 212), mais n'est plus redevable de la cotisation complémentaire (cass. soc. 26 novembre 2002, BC V n° 357). Enfin, si un tiers est également responsable, l'employeur peut obtenir de ce tiers (ou de son assureur) le remboursement de la fraction correspondant à sa responsabilité.
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Cession, cessation de l'entreprise. - Dans le cas de cession ou de cessation de l'entreprise, le capital correspondant aux arrérages à échoir est immédiatement exigible (c. séc. soc. art. L. 452-2, dern. al.). Ce capital ne peut pas excéder le montant des cotisations complémentaires à échoir, même si ce dernier est inférieur à celui de la majoration de rente allouée (cass. civ. 2e ch., 12 juin 2007, n° 06-11214, BC II n° 149).
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Assurance contre la faute inexcusable. - L'auteur de la faute inexcusable est responsable, sur son patrimoine personnel, des conséquences de celles-ci. L'employeur peut toutefois s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de celle de son préposé (c. séc. soc. art. L. 452-4). Lorsque l'employeur est garanti par un contrat d'assurance, la caisse peut lui réclamer une cotisation supplémentaire (c. séc. soc. art. L. 242-7). Le montant de cette cotisation supplémentaire ne peut pas dépasser 25 % de la cotisation normale (montant doublé en cas de récidive ou de non-réalisation des mesures prescrites) (arrêté du 16 septembre 1977, JO du 13 octobre, p. 4963).
Dans quels cas la faute inexcusable est-elle présumée ?
Dans deux types de situation, la faute inexcusable de l'employeur est présumée. Cela signifie que, dans ces cas, ce n'est pas à la victime de prouver la faute inexcusable de son employeur (voir § 197) mais à l'employeur de prouver qu'il n'a pas commis de faute inexcusable.
La faute inexcusable de l'employeur est présumée lorsque les salariés, en contrat à durée déterminée ou intérimaires, sont affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur sécurité sans avoir bénéficié de la formation à la sécurité renforcée (c. trav. art. L. 4154-3 ; cass. civ. 2e ch., 13 décembre 2007, n° 06-15617 FD). Le fait que l'accident dont est victime le salarié résulte d'une erreur grossière de ce dernier ne fait pas tomber la présomption (cass. soc. 31 octobre 2002, n° 01-20197 D). En tout état de cause, la présomption est simple et peut être renversée par la preuve contraire (cass. soc. 29 juin 2000, n° 99-10589).
Le bénéfice de la présomption de faute inexcusable est également de droit pour le salarié qui, victime d'un accident du travail, avait signalé à l'employeur le risque auquel il était exposé (c. trav. art. L. 4131-4). C'est le cas par exemple si un salarié, victime d'une chute, avait signalé le caractère glissant des marches d'un escalier et l'absence de main courante (cass. soc. 17 juillet 1998, n° 96-20988, BC V n° 398). La présomption de faute inexcusable s'applique aussi si c'est le CHSCT qui avait signalé dans le cadre de son droit d'alerte, un risque qui s'est matérialisé.
Exemples de situations dans lesquelles la faute inexcusable a été ou non reconnue
Retenue Non retenue
Défaut d'aménagement d'un escalier dans lequel un salarié a chuté (cass. civ. 2e ch., 12 juillet 2007, n° 06-17144 FD).
Accident survenu malgré des contrôles périodiques de sécurité de matériel n'ayant pas révélé d'anomalie (cass. soc. 31 octobre 2002, n° 00-18 359, BCV n° 336).
Accident de la route malgré un contrôle technique et un examen par un garagiste du véhicule (cass. civ. 2e ch., 11 octobre 2006, n° 05-12465 D).
Défaut d'installation de plots en béton avec ancrages de fixation de part et d'autre d'un plateau soumis à une importante pression lors du sablage, alors que celui-ci repose sur un champ particulièrement étroit (cass. soc. 21 juillet 1994, n° 92-12158 D).
Perte du doigt d'un salarié en fermant un local blindé où il se réfugiait lors d'une attaque à main armée : l'accident s'est produit au cours d'une agression et l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger ponctuellement présenté par la fermeture de cette porte (cass. civ. 2e ch., 5 avril 2007, n° 03-30620 FD).
Absence de mesure prise par l'employeur pour protéger les salariés des parties mobiles de moteurs. Un salarié s'est laissé surprendre par la mise en route d'un moteur dont il s'était approché au moyen d'un escabeau. L'employeur, qui aurait dû avoir conscience du danger causé par ces moteurs et qui n'a pas pris les mesures appropriées commet une faute inexcusable malgré l'imprudence de la victime (cass. soc. 12 mai 2003, n° 01-21701, BC II n° 141).
Salarié ayant bénéficié d'une formation dès son affectation au poste où il a eu un accident du travail et alors que l'employeur a mis en place un système et des consignes de sécurité appropriées. L'employeur a, en effet, pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié du danger auquel il était exposé (cass. civ. 2e ch., 21 juin 2005, n° 03-30620 FD).
Indemnité forfaitaire supplémentaire
Si la victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, outre la réparation de ses divers préjudices, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de la consolidation (c. séc. soc. art. L. 452-3).
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Info Juridique N° 176
Faute inexcusable de l'employeur
En cas de faute inexcusable de l'employeur, le salarié victime d'un accident du travail bénéficie d'une meilleure indemnisation. L'employeur en supporte les conséquences financières.
Définition de la faute inexcusable
Caractéristiques de la faute
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Violation de l'obligation de sécurité de résultat. - La loi prévoit une meilleure indemnisation de la victime d'un accident du travail dû à la faute inexcusable de son employeur, mais ne définit pas celle-ci. Ce sont les tribunaux qui l'ont caractérisée. Considérant que l'employeur est, en vertu du contrat de travail qui le lie à son salarié, tenu à une obligation de sécurité de résultat, les juges estiment que tout manquement à cette obligation révélé par la maladie ou l'accident a le caractère d'une faute inexcusable si :
- l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il a exposé le salarié ;
- et n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour l'en préserver (cass. soc. 28 février 2002, n° 00-10051, n° 99-18389, n° 00-11793, BCV n° 81 ; cass. civ. 2e ch., 6 avril 2004, n° 02-30688, BC II n° 153).
De plus, lorsque le travail s'exécute dans les locaux d'une autre entreprise, l'employeur a le devoir de se renseigner sur les dangers encourus par le salarié, sous peine de voir sa responsabilité engagée sur le fondement du manquement à son obligation de résultat (cass. civ. 2e ch., 8 novembre 2007, n° 07-11219 FPB).
197
Preuve par la victime. - C'est à la victime d'apporter la preuve de cette conscience du danger ou du défaut des mesures appropriées (cass. civ. 2e ch., 22 mars 2005, n° 03-20044, BC II n° 74 ; cass. soc. 2 octobre 2008, n° 07-18437 FD). Le régime de droit commun de la preuve est applicable : le salarié dispose de 2 ans, à compter de l'accident ou de la maladie, pour prouver le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat (c. séc. soc. art. L. 431-2).
198
Faute en lien avec le dommage. - La faute est retenue s'il est révélé un manquement de l'employeur en relation avec le dommage (cass. soc. 31 octobre 2002, n° 01-20445, BC V n° 336), même si les circonstances de l'accident sont restées incertaines (cass. civ. 2e ch., 16 septembre 2003, n° 01-20780, BC II n° 141).
199
Faute non déterminante dans la survenance de l'accident. - La faute n'a pas à être déterminante dans la survenance de l'accident, il suffit qu'elle soit une cause nécessaire, peut important que d'autres fautes aient concouru au dommage (cass. soc. 31 octobre 2002, n° 00-18359) et, en particulier, que la victime ait elle-même commis une imprudence (cass. civ. 2e ch., 12 mars 2003, n° 01-21071). Toutefois, les tribunaux peuvent prendre en compte la responsabilité de la victime dans la survenance de la maladie ou de l'accident dans le montant de l'indemnisation qui lui est allouée.
200
Étendue de la responsabilité de l'employeur. - La faute de l'employeur est retenue s'il met en danger le salarié dans son intégrité physique, mais également psychologique, en particulier en laissant les relations de travail se dégrader au point de pousser un salarié à une tentative de suicide (cass. civ. 2e ch., 22 février 2007, n° 05-13771, BC II n° 54).
Par ailleurs, le fait que l'employeur n'ait pas commis de faute d'une exceptionnelle gravité ne permet pas d'écarter sa responsabilité (cass. civ. 2e ch., 14 octobre 2003, n° 02-30231 et 02-30233, BC II n° 300).
Conscience du danger par l'employeur
201
Élément déterminant de la faute inexcusable. - La conscience du danger que l'employeur avait ou aurait dû avoir des risques encourus constitue un élément déterminant de la faute inexcusable. Son contour s'apprécie :
- en l'état des connaissances scientifiques (cass. soc. 28 février 2002, n° 99-17221, BCV n° 81) ;
- au regard du sentiment que l'employeur doit normalement avoir compte tenu de son expérience et de ses connaissances professionnelles (cass. soc. 7 février 1962, n° 61-10139, BCV n° 158).
Elle est évidente si l'employeur n'a pas mis en adéquation la qualification du salarié avec le travail qu'il lui a confié (cass. soc. 16 mars 2004, n° 02-30834, BC II n° 122), ou n'a pas respecté les obligations de sécurité ou de surveillance, ou encore n'a pas tenu compte de mises en garde extérieures : de l'inspection du travail, du CHSCT, etc. Pour des exemples, se reporter au tableau ci-dessous.
En tout état de cause, lorsque la conscience du danger est établie et que l'employeur n'a pas pris les mesures appropriées pour écarter ce danger, l'établissement de sa bonne foi ne peut pas aboutir à écarter l'action en reconnaissance de sa faute inexcusable (cass. civ. 2e ch., 16 septembre 2003, n° 02-30670, BC II n° 264).
202
Conscience du danger et amiante. - Au départ, la jurisprudence retenait la faute inexcusable de l'employeur lorsque l'amiante était utilisée comme matière première dans le processus de fabrication auquel était exposé le salarié (cass. soc. 28 février 2002, n° 99-17221, BCV n° 81). Ensuite, elle a estimé qu'il suffisait que l'amiante soit utilisée dans l'entreprise, sans qu'elle le fût nécessairement comme matière première (cass. civ. 2e ch., 22 juin 2004, n° 03-30223, BC V n° 306). Puis, la Cour a jugé que le contact avec l'amiante pouvait être indirect ou occasionnel (cass. civ. 2e ch., 31 mai 2006, n° 04-30654, BC II n° 141). Récemment, elle a affiné sa position et regardé la conscience du danger en fonction de la qualité de l'employeur. Ainsi, une entreprise comme EDF - compte tenu de son importance, de son organisation, de la nature de son activité et des travaux auxquels elle avait affecté son salarié - pouvait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel elle avait exposé son salarié atteint d'une maladie professionnelle liée à l'amiante. Peu important, à cet égard, qu'EDF n'ait pas l'amiante comme matière première ni n'ait participé à l'activité industrielle de fabrication ou de transformation de l'amiante (cass. civ. 2e ch., 3 juillet 2008, n° 07-18689 FPB).
203
Conscience du danger et décision pénale. - Le fait que l'employeur ait été condamné au pénal pour une infraction aux règles de sécurité pèse fortement dans le processus de reconnaissance de la faute inexcusable. En effet, le juge civil ne peut pas méconnaître ce qui a été jugé au pénal en ce qui concerne l'existence (ou la qualification du fait incriminé) ou en ce qui concerne la culpabilité de l'employeur auquel le fait est imputé (cass. soc. 27 janvier 1988, n° 85-18117 D). Surtout, et le plus souvent, la reconnaissance par le juge pénal de la culpabilité de l'employeur à la suite d'un accident caractérise le plus souvent la conscience du danger qu'il avait ou aurait dû normalement avoir (cass. soc. 23 janvier 2003, n° 00-20745 D). Par ailleurs, si le juge pénal déclare l'absence de faute pénale par imprudence, la Cour de cassation estime néanmoins que, dans cette situation, la faute inexcusable peut quand même être retenue (par exemple, la relaxe du chef d'entreprise poursuivi pour homicide involontaire n'exclue pas sa faute inexcusable) (cass. soc, 28 mars 2002, n° 00-11627, BC V n° 110).
Action en réparation au titre de la faute inexcusable
204
Procédure de conciliation. - Lorsque la faute inexcusable de l'employeur est susceptible d'être mise en cause, la caisse primaire doit engager une procédure de conciliation à la demande de la victime, ou à son initiative, en vue d'aboutir à un accord amiable avec l'employeur sur l'existence d'une telle faute et sur le montant des indemnités complémentaires à verser (lettre CNAMTS du 30 novembre 1977). À l'issue de la conciliation, un procès-verbal doit être rédigé qui constate la conciliation (totale ou partielle) ou son échec. Dans ce dernier cas, c'est le tribunal des affaires de la Sécurité sociale (TASS) qui en décide, saisi par la victime (ou ses ayants droits) ou la caisse. La partie qui a pris l'initiative doit appeler l'autre partie en déclaration de jugement commun (c. séc. soc. art. L. 452-4).
205
Recevabilité de l'action. - L'action en reconnaissance de la faute inexcusable doit être dirigée à l'encontre de l'employeur. Elle est recevable même si l'accident n'a pas été pris en charge en tant qu'accident du travail (par exemple, il a été indemnisé au titre des assurances sociales), mais le caractère professionnel de cet accident doit être préalablement démontré par les juges du fond (cass. civ. 2e ch., 20 mars 2008, n° 06-20348 FPB). En revanche, la faute inexcusable ne peut pas être retenue lorsque la cause de l'accident reste indéterminée (cass. civ. 2e ch., 16 novembre 2004, n° 02-31003 D).
206
Prescription de l'action. - L'action en reconnaissance de la faute inexcusable se prescrit par deux ans à compter :
- de l'accident ou de l'information du lien possible entre la maladie et le travail ;
- de la cessation du travail ;
- de la cessation du paiement des indemnités journalières de sécurité sociale ;
- ou de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident (cass. soc. 3 avril 2003, n° 01-20872, BC II n° 98).
Le plus récent de ces événements est retenu (c. séc. soc. art. L. 431-2 ; cass. civ. 2e ch., 29 juin 2004, n° 03-10789, BC II n° 331 ; cass. civ. 2e ch., 18 janvier 2005, n° 03-17564, BC II n° 13).
207
Interruption du cours de la prescription. - La saisine de la caisse aux fins de conciliation (voir § 204) interrompt le cours de la prescription biennale (cass. soc. 7 octobre 1987, BC V n° 531). Celui-ci est également interrompu par l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident (c. séc. soc., art. L. 431-2). Enfin, la prescription est interrompu lorsqu'une action pénale est engagée contre l'employeur sur les faits susceptibles d'entraîner la reconnaissance d'une faute inexcusable (c. séc. soc. art. L. 431-2 ; cass. soc. 23 janvier 2003, n° 01-20945, BC V n° 20).
En revanche, les actions portées devant les juridictions judiciaires (mais non de la sécurité sociale) n'interrompent pas le cours de la prescription (s'agissant, par exemple, d'actions menées en vue d'indemniser le préjudice lié à une dépression nerveuse) (cass. civ. 2e ch., 17 janvier 2008, n° 06-21556, FSPB).
208
Enjeux. - En principe, l'accident du travail est réparé forfaitairement (voir § 162). Mais lorsque la faute inexcusable de l'employeur est retenue, le salarié est indemnisé quasi intégralement. Il a ainsi droit à une majoration des indemnités qui lui sont versées (majoration de l'indemnité en capital ou de la rente). Il peut également obtenir la réparation de certains de ses préjudices, voire une indemnité forfaitaire supplémentaire (c. séc. soc. art. L. 452-1 à L. 452-3). Du côté employeur, la reconnaissance de sa faute inexcusable emporte des conséquences financières : il doit rembourser la caisse primaire des indemnités qu'elle a avancées et régler une cotisation complémentaire.
Majoration de rente ou d'indemnité
209
Montant. - Le montant de la majoration de la rente, ou de l'indemnité, est calculé en fonction de la réduction de la capacité dont la victime est atteinte et non, comme c'était le cas avant un arrêt du 19 décembre 2002 (cass. soc. 19 décembre 2002, n° 01-20447, BC V n°400), en fonction de la gravité de la faute commise par l'employeur. Aussi, la majoration :
- est fixée à son montant maximum (cass. civ. 2e ch., 23 novembre 2006, n° 05-13426) ;
- peut être réduite en cas de faute inexcusable du salarié lui-même (cass. civ. 2e ch., 23 novembre 2006) - entendue comme « une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience » (cass., civ. 2e ch., 27 janvier 2004, n° 02-30693, BC II n° 25) - , mais non du fait de sa simple faute ou de celle d'un tiers (cass. ass. plén., 24 juin 2005, n° 03-30038, Bull. Ass. Plén., n° 7) ;
- suit l'évolution du taux d'incapacité et n'est plus fixée (comme c'était le cas auparavant) une fois pour toutes (cass. civ. 14 décembre 2004, n° 03-30451, BC II n° 522).
La majoration de rente constitue une prestation de sécurité sociale due par la caisse primaire dans tous les cas où une maladie (ou un accident) entraîne le versement d'une rente (cass. civ. 2e ch., 31 mai 2006, n° 05-16807, BC II n° 143).
La rente se calcule sur le même salaire que la rente ordinaire.
210
Plafond. - Si une indemnité en capital a été attribuée à la victime (en cas d'incapacité permanente inférieure à 10 %), le montant de la majoration ne peut pas dépasser le montant de cette indemnité. Si une rente lui a été allouée, la majoration de rente ne peut pas avoir pour effet de faire dépasser aux rentes (rente d'incapacité et majoration) :
- la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité ;
- ou le montant de ce salaire en cas d'incapacité totale (c. séc. soc. art. L. 452-2, al. 2 et 3).
211
Revalorisation. - La majoration de rente, ou d'indemnité, est revalorisée comme une rente accident du travail normale (c. séc. soc. art. L. 452-2, al. 5).
Réparation de certains préjudices de la victime
212
Juge compétent. - La victime peut engager une action en réparation de ses préjudices personnels contre l'employeur uniquement devant la juridiction de sécurité sociale (tribunal des affaires de sécurité sociale).
213
Réparations possibles. - Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, la victime peut aussi demander à l'employeur réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, des préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle (c. séc. soc. art. L. 452-3).
Le montant de ces réparations tient compte du taux de majoration de la rente (cass. soc. 28 mars 1996, n° 93-14540, BC V n° 128).
214
Promotion professionnelle. - La victime peut ainsi prétendre à une indemnisation par l'employeur du fait de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle :
- dans une autre entreprise que celle où est intervenu l'accident (cass. civ. 2e ch., 20 septembre 2005, n° 04-30278, BC II n° 225),
- dans l'entreprise où s'est produit l'accident si ses chances de promotion ont été effectivement compromises (cass. soc. 17 novembre 1994, n° 92-14831 D).
Dans tous les cas, la victime doit justifier d'un préjudice certain, distinct de celui résultant de son déclassement professionnel qui est réparé par la rente (cass. soc. 9 avril 1998, n° 96-16474 D), étant précisé que le caractère sérieux des chances de promotion :
- ne peut résulter du seul jeune âge (cass. soc. 28 juin 2001, n° 99-17594 D),
- et suppose une formation professionnelle de nature à faire espérer à la victime une telle promotion (cass. civ. 2e ch., 18 janvier 2005, n° 03-10696 D).
215
Indemnité d'agrément. - La privation des agréments d'une vie normale - distincte du préjudice résultant de l'incapacité permanente - justifie l'octroi d'une indemnité de caractère personnel. Ainsi, une indemnité spécifique d'agrément peut être allouée en raison d'une altération sensible de la capacité de la victime d'accomplir des « gestes banals » (cass. soc. 5 janvier 1995, n° 92-15958, BC V n° 10) ou de se livrer longtemps à des activités de loisir sans ressentir des troubles (cass. soc. 28 mai 1998, n° 96-17333 D). La réparation du préjudice subjectif de caractère personnel a été admise en raison de la privation des « agréments d'une vie normale » endurée par des victimes empêchées de toute activité physique, de toute vie sociale ou familiale et soumises à d'importantes contraintes dues au traitement (cass. civ. 2e ch., 11 octobre 2005, n° 04-30360, BC II n° 242).
216
Réparations exclues. - La victime ne peut pas obtenir la prise en charge de dépenses d'aménagement d'un appartement pour l'adapter à une infirmité (cass. soc. 18 juillet 1997, n° 95-17047 D) ou des frais de fauteuil roulant, de véhicule automobile adapté et de parapharmacie (même arrêt), non plus que des frais couvrant l'embauche d'une tierce personne pour la conduire sur les marchés où elle vendait des produits agricoles (cass. soc. 28 mars 1996, n° 93-14540, BCV n° 128) : l'ensemble de ces dépenses ne sont pas comprises dans la liste visée à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Indemnisation des ayants droit
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Majoration de rente. - En cas d'accident mortel, les ayants droits peuvent obtenir une majoration de la rente qui leur revient. Le montant de cette majoration est fixé de façon à ce que le total des rentes et majorations allouées à tous les ayants droits ne puisse dépasser le montant du salaire annuel de référence de la victime. Si la rente d'un ayant droit cesse d'être due, un ajustement est opéré (c. séc. soc. art. L. 452-2, al. 4). S'il ne reste plus qu'un seul ayant droit, ce dernier bénéficie d'une indemnisation égale au salaire de référence de la victime (cass. civ. 2e ch., 21 décembre 2006, n° 05-15051, BC II n° 378).
218
Indemnisation du préjudice moral. - En cas d'accident mortel imputable à la faute inexcusable de l'employeur, les ayants droit de la victime - ainsi que les ascendants et les descendants de cette dernière, mais non ses frères et sœurs (cass. soc. 18 mai 2000, n° 98-22771, BC V n° 190) - peuvent prétendre à la réparation de leur préjudice moral, peu important qu'ils aient ou non droit à une rente d'ayant droit (cass. soc. 23 mai 2002, n° 00-14125, BCV n° 177) ou qu'ils aient été à la charge ou non de la victime (cass. civ. 2e ch., 22 juin 2004, n° 03-30223, BC II n° 306). Les ayants droit ne peuvent pas être indemnisés deux fois s'ils ont déjà obtenu gain de cause au pénal. Par ailleurs, les descendants de la victime ne peuvent pas prétendre à la réparation de leur préjudice économique (cass. civ. 2e ch., civ., 16 octobre 2008, n° 07-14802 et 07-17367 P).
219
Indemnisation du préjudice personnel. - Les ayants droit sont en mesure d'exercer non seulement l'action en réparation du préjudice moral qu'ils subissent personnellement du fait du décès, mais aussi l'action en réparation du préjudice personnel de la victime résultant de sa maladie (cass. civ. 20 septembre 2005, n° 04-30110, BC II n° 226).
Conséquences pour l'employeur
220
Deux conséquences financières. - Lorsque la faute inexcusable de l'employeur est retenue, la caisse se retourne vers lui pour obtenir remboursement des indemnités qu'elle a versées. C'est ce qu'on appelle communément « l'action récursoire de la caisse ». En outre, l'employeur supporte la majoration de rente sous la forme d'une cotisation supplémentaire.
221
Action récursoire de la caisse. - La caisse verse directement aux bénéficiaires la réparation du préjudice moral et en récupère le montant auprès de l'employeur, ce dernier ne pouvant pas se voir réclamer directement les sommes dues (c. séc. soc. art. L. 452-3 et cass. civ. 2e ch., 23 mars 2004, n° 02-31113). Cette action récursoire est soumise à la prescription de droit commun (cass. soc. 19 octobre 2000, n° 98-17811, BCV n° 339). Elle n'est pas recevable si la décision de prise en charge de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle n'est pas opposable à l'employeur (cass. civ. 31 mai 2006, n° 04-30876). En tout état de cause, elle doit être intentée à l'encontre de la personne qui a la qualité juridique d'employeur, c'est-à-dire, s'il s'agit d'une société, contre celle-ci et non contre son dirigeant (cass., 2e ch. civ., 10 juin 2003, BC II n° 178).
Aussi, dans le cas particulier du travail temporaire, elle est dirigée contre l'entreprise de travail temporaire qui dispose, elle, d'une action récursoire contre l'entreprise utilisatrice pour se faire rembourser des indemnités complémentaires qu'elle a versées (c. séc. soc. art. L. 452-1 ; cass. civ. 2e ch., 24 mai 2007, n° 07-11771). Un partage de responsabilités entre les deux entreprises (à hauteur de 3/4 pour la société de travail temporaire et 1/4 pour la société utilisatrice) a toutefois été admis, dans une affaire tranchée en février 2008 par la Cour de cassation, car la société utilisatrice n'avait pas mis en œuvre son obligation de formation renforcée à la sécurité alors que le salarié était affecté à des travaux dangereux (cass. civ. 2e ch., 21 février 2008, n° 07-11771). Par ailleurs, dans l'hypothèse où une société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, la caisse ne peut exiger de l'ancienne gérante le remboursement sur ses fonds personnels des prestations versées à la victime (cass. civ. 2e ch., 10 juin 2003, n° 01-21004, BC II n° 178).
222
Cotisation complémentaire. - L'employeur supporte la majoration de rente sous la forme d'une cotisation complémentaire (recouvrée par l'URSSAF) dont le taux ne peut pas excéder 50 % de la cotisation normale ni 3 % des salaires servant de base à cette cotisation (c. séc. soc. art. L. 452-2 et R. 452-1). Le taux est fixé en accord avec l'employeur ou par voie contentieuse par la caisse régionale d'assurance maladie, sur proposition de la caisse primaire, sauf recours devant la juridiction de la sécurité sociale (c. séc. soc. art. L. 452-2). La cotisation complémentaire est applicable au premier jour du mois qui suit la décision. Il est possible de convertir la cotisation en un capital, qui devient immédiatement exigible en cas de cessation de l'entreprise. En tout état de cause, la cotisation complémentaire ne peut pas être perçue pendant plus de vingt ans (c. séc. soc. art. R. 452-1) et si l'établissement où travaillait la victime a cessé toute activité, l'employeur reste tenu de rembourser les sommes versées au titre des divers préjudices (voir § 212), mais n'est plus redevable de la cotisation complémentaire (cass. soc. 26 novembre 2002, BC V n° 357). Enfin, si un tiers est également responsable, l'employeur peut obtenir de ce tiers (ou de son assureur) le remboursement de la fraction correspondant à sa responsabilité.
223
Cession, cessation de l'entreprise. - Dans le cas de cession ou de cessation de l'entreprise, le capital correspondant aux arrérages à échoir est immédiatement exigible (c. séc. soc. art. L. 452-2, dern. al.). Ce capital ne peut pas excéder le montant des cotisations complémentaires à échoir, même si ce dernier est inférieur à celui de la majoration de rente allouée (cass. civ. 2e ch., 12 juin 2007, n° 06-11214, BC II n° 149).
224
Assurance contre la faute inexcusable. - L'auteur de la faute inexcusable est responsable, sur son patrimoine personnel, des conséquences de celles-ci. L'employeur peut toutefois s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable ou de celle de son préposé (c. séc. soc. art. L. 452-4). Lorsque l'employeur est garanti par un contrat d'assurance, la caisse peut lui réclamer une cotisation supplémentaire (c. séc. soc. art. L. 242-7). Le montant de cette cotisation supplémentaire ne peut pas dépasser 25 % de la cotisation normale (montant doublé en cas de récidive ou de non-réalisation des mesures prescrites) (arrêté du 16 septembre 1977, JO du 13 octobre, p. 4963).
Dans quels cas la faute inexcusable est-elle présumée ?
Dans deux types de situation, la faute inexcusable de l'employeur est présumée. Cela signifie que, dans ces cas, ce n'est pas à la victime de prouver la faute inexcusable de son employeur (voir § 197) mais à l'employeur de prouver qu'il n'a pas commis de faute inexcusable.
La faute inexcusable de l'employeur est présumée lorsque les salariés, en contrat à durée déterminée ou intérimaires, sont affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur sécurité sans avoir bénéficié de la formation à la sécurité renforcée (c. trav. art. L. 4154-3 ; cass. civ. 2e ch., 13 décembre 2007, n° 06-15617 FD). Le fait que l'accident dont est victime le salarié résulte d'une erreur grossière de ce dernier ne fait pas tomber la présomption (cass. soc. 31 octobre 2002, n° 01-20197 D). En tout état de cause, la présomption est simple et peut être renversée par la preuve contraire (cass. soc. 29 juin 2000, n° 99-10589).
Le bénéfice de la présomption de faute inexcusable est également de droit pour le salarié qui, victime d'un accident du travail, avait signalé à l'employeur le risque auquel il était exposé (c. trav. art. L. 4131-4). C'est le cas par exemple si un salarié, victime d'une chute, avait signalé le caractère glissant des marches d'un escalier et l'absence de main courante (cass. soc. 17 juillet 1998, n° 96-20988, BC V n° 398). La présomption de faute inexcusable s'applique aussi si c'est le CHSCT qui avait signalé dans le cadre de son droit d'alerte, un risque qui s'est matérialisé.
Exemples de situations dans lesquelles la faute inexcusable a été ou non reconnue
Retenue Non retenue
Défaut d'aménagement d'un escalier dans lequel un salarié a chuté (cass. civ. 2e ch., 12 juillet 2007, n° 06-17144 FD).
Accident survenu malgré des contrôles périodiques de sécurité de matériel n'ayant pas révélé d'anomalie (cass. soc. 31 octobre 2002, n° 00-18 359, BCV n° 336).
Accident de la route malgré un contrôle technique et un examen par un garagiste du véhicule (cass. civ. 2e ch., 11 octobre 2006, n° 05-12465 D).
Défaut d'installation de plots en béton avec ancrages de fixation de part et d'autre d'un plateau soumis à une importante pression lors du sablage, alors que celui-ci repose sur un champ particulièrement étroit (cass. soc. 21 juillet 1994, n° 92-12158 D).
Perte du doigt d'un salarié en fermant un local blindé où il se réfugiait lors d'une attaque à main armée : l'accident s'est produit au cours d'une agression et l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger ponctuellement présenté par la fermeture de cette porte (cass. civ. 2e ch., 5 avril 2007, n° 03-30620 FD).
Absence de mesure prise par l'employeur pour protéger les salariés des parties mobiles de moteurs. Un salarié s'est laissé surprendre par la mise en route d'un moteur dont il s'était approché au moyen d'un escabeau. L'employeur, qui aurait dû avoir conscience du danger causé par ces moteurs et qui n'a pas pris les mesures appropriées commet une faute inexcusable malgré l'imprudence de la victime (cass. soc. 12 mai 2003, n° 01-21701, BC II n° 141).
Salarié ayant bénéficié d'une formation dès son affectation au poste où il a eu un accident du travail et alors que l'employeur a mis en place un système et des consignes de sécurité appropriées. L'employeur a, en effet, pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié du danger auquel il était exposé (cass. civ. 2e ch., 21 juin 2005, n° 03-30620 FD).
Indemnité forfaitaire supplémentaire
Si la victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, outre la réparation de ses divers préjudices, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de la consolidation (c. séc. soc. art. L. 452-3).
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