rebonsoir
Désolée j'ai envoyé mon message trop vite!
Je te conseille par ailleurs la lecture d'un livre de Maryse Vaillant "De la dette au don". Je te fais un copié collé d'un texte qui pourra alimenter ta reflexion (
http://www.rosenczveig.com/terre_accuei ... ration.htm)
L’EFFET STRUCTURANT DE LA MESURE DE REPARATION.
« La réparation : la violence recyclée ».
« La réparation, des gens face à face, la prison, des gens dos à dos ».
Maryse Vaillant
J’ai toujours été étonné durant ma maintenant longue carrière de constater que les victimes de mineurs, quand ils avaient à les connaître lors de l’enquête, de l’instruction ou du jugement, dans leur grande majorité étaient prêts à retirer leur plainte, à accorder leur pardon en quelque sorte, du fait de la minorité de l’auteur et d’entrer ainsi dans le champ de la réparation : Je pardonne parce que je connais.
J’ai aussi, sans pouvoir la définir, souvent perçu une relation singulière et mystérieuse entre l’agresseur et l’agressé, le voleur et le volé : je vole parce que je ne connais pas.
Mais aussi entre le délinquant et la police, comme si les enfants faisaient tout pour se faire prendre : le besoin d’avouer.
J’ai de même pensé que la justice des mineurs se trompait de réponse quand elle faisait preuve de générosité, de bienveillance, de gentillesse, alors qu’on attend d’elle avant tout qu’elle soit juste, y compris le mineur lui-même, et qu’elle ne considère pas l’enfant exclusivement comme victime, mais comme l’auteur de ses actes et l’acteur de son devenir : faire avec, et pas faire pour. En redonnant du sens au délit, on prend en compte sa responsabilité donc sa dignité.
Qu’elle n’est pas en effet la surprise de ces pauvres petits mineurs, devenus majeur, ayant bénéficiés de tant de mansuétude, face au tribunal correctionnel, qui purge tout par un coup, histoire de faire le vide, le contentieux, donc le casier judiciaire... ou simplement quand le tribunal pour enfants, excédé, sanctionne le refus manifeste du bénéfice de la bienveillante assistance éducative : Sanction de l’échec de l’éducation.
Mais y a-t-il échec de l’éducation prescrite ou fausse perception au départ de l’implication nécessaire de l’enfant dans la mise en place de sa propre sauvegarde : éducation intégrée ?
Tout le monde peut déraper. Tout le monde dérape. Une mise en garde peut suffire pour se reprendre. Si cela n’est pas compris, il faut passer à un autre stade : la sanction incomprise appelle l’éducation.
« Ne mets pas les doigts dans la prise » : c’est la prévention de la sanction. Une fois les doigts mis et la sanction de la douleur, il s’agit de protéger : protection éducative ou éducation protectrice...
Et la protection judiciaire, cela ne s’improvise pas.
Tout le travail éducatif se construit à partir de la conviction de l’importance des préjudices et des carences subies par les enfants. Pour que ce travail s’accomplisse, il est évident que l’éducateur doit s’identifier au jeune dont il s’occupe.
Pour ce qui nous concerne, les préjudices subis par les mineurs sont souvent plus importants que les préjudices causés. L’éducateur s’identifie au mineur comme enfant et non plus au délinquant. Il privilégie ainsi ( et il n’est pas le seul ) la personne par rapport à l’acte.
En ce sens, il respecte à la lettre l’esprit de l’Ordonnance du 2 février 1945 : Instruction sur la personne et mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation.
Mais dans cette logique, les infractions sont connues mais non reconnues. ( Vu, pris, pas puni...) Elles ne sont signe que de souffrance ou de bêtise grosse bêtise ). Le délit disparaît avec le délinquant, reste un oubli : la victime.
La transgression disparaît aussi avec le délit : reste un oublié majeur : le jeune lui-même et son besoin de limites et de cadre.
Ainsi la justice des mineurs s’est progressivement réduite à une seule alternative: l’opposition éducation/répression, où chacun a trouvé son camp et son compte: ne voir dans le délinquant que l’enfant ou que le délit !
L’alternative a l’incarcération ne peut se résumer à un banal accompagnement éducatif, fut-il assorti d’un hébergement. La privation de liberté et ses substitutions sont d’une autre nature.
Entre sanction et éducation, la mesure de réparation, pour faire plus simple, la Réparation remet en selle la notion fondamentale de faute, dont les éducateurs se sont défiés, comme les psychologues de l’absence de demande.
Le discours éducatif qui tend à annuler la réalité des délits, prive l’enfant d’une possibilité de vivre son angoisse, de l’élaborer et de s’en libérer en réparant. Epargner à un enfant d’avoir à répondre de ses actes augmente l’angoisse et provoque immanquablement troubles ou récidives.
La sanction, pas n’importe laquelle et pas de n’importe quelle façon certes, est salvatrice et libératrice.
La question, donc, de la culpabilité est centrale dans une réflexion sur la réparation, car sans avoir le sentiment de la faute, comment peut-on agir pour réparer ? « Nul d’entre nous n’est jamais totalement exempt de culpabilité » ( Mélanie Klein ).
Il est vrai que les rapports faute/culpabilité ne sont pas de simples rapports de cause à effet. La culpabilité pense S.Freud, peut précéder la faute. Il parle « de criminel par sentiment de culpabilité ». La faute soulage la culpabilité. Un grand classique quand on y regarde de plus près, comme si la culpabilité était une manière de conclure un pacte avec l’angoisse.
Il nous faut bien reconnaître, dans ce registre, que bon nombre de jeunes se comportent comme s’ils voulaient se faire prendre. Qu’on interdise enfin ce qu’ils ne pouvaient s’interdire eux-mêmes, au même titre qu’on s’autorise ce que les autres nous permettent : Obéir à la règle, à la loi, rend libre.
La réparation s’appuie donc sur une réflexion à propos de l’acte commis et vise à favoriser un processus de responsabilisation. Il s’agit moins d’oublier l’acte que de le dépasser et de participer à un projet pacificateur où le désir de prouver quelque chose est plus important que la simple préoccupation de payer sa dette.
L’acte éducatif est nécessaire, car rares sont ceux qui expriment spontanément leur culpabilité.
Entre deux mois de prison ou deux ans de rééducation avec apprentissage d’un métier, le choix est vite fait : 2 mois, j’ai payé. Aller en prison, c’est payer sa dette presque gratuitement. On ne donne que son temps et sa liberté. Rien vraiment de soi-même. On reste passif. Fi de la culpabilité, ce n’est qu’une transaction !
Réparer par contre, c’est bien se situer comme auteur, acteur et sujet de son acte. C’est à minima admettre que se faire arrêter, ce n’est pas par malchance, mais bien le résultat d’une faute.
C’est aussi reconnaître qu’il est plus grave de voler un blouson avec quelqu’un dedans, un cyclomoteur avec quelqu’un dessus et un sac à mains avec quelqu’un autour.
A la différence de la mesure éducative classique prescrite par le Juge, exécutée par l’éducateur et donc d’une certaine façon subie, la réparation est « proposée » afin que l’enfant s’en empare, se l’approprie avec l’aide de ses parents, sous le bénéfice d’un accompagnement éducatif.
L’acte éducatif est une triangulation qui vise à reconstruire le lien social. Il en fait son affaire et s’institue ainsi comme sujet en tentant de faire prévaloir un réel changement personnel au lieu d’un conformisme ou d’un comportementalisme primaire.
Il y a effort commun d’imagination et de créativité, car l’option éducative est une entreprise vivante qui ne peut se réduire à un contenu matériel prédéfini. Les moyens et les objectifs évoluent.
« Ainsi le mécanisme de réparation éclaire une nouvelle fonction de « passeur de l’éducateur chargé d’accompagner le mineur au travers du repérage des limites et des interdits dans le difficile cheminement qui mène de la Dette au Don ».( Dominique Charvet ).
Donner, cela permet aussi et surtout de recevoir... le pardon.
La réparation tombe bien. Nous devons nous en emparer.
Le fait essentiel à mes yeux, que le magistrat ait la faculté de proposer l’activité d’aide ou de réparation évite la modélisation peu compatible avec l’autonomie pédagogique.
L’articulation des articles 12 et 12.1 de l’Ordonnance du 2 février 1945 à valeur d’exemple: la faculté de proposer (12.1) peut être induite par l’éducateur (12) : action, proposition, réparation, en fonction :
1. de son savoir-faire potentiel dans cette affaire.
2. de la faisabilité au motif de la capacité de mobilisation de l’auteur, futur acteur et de sa famille. Et non plus une instrumentalisation liée à une compétence perçue ou instituée.
Nous proposons parce que nous pensons que nous saurons faire.
Du simple registre de l’obligation de moyens nous passons à celui de la volonté de réussir, pour l’enfant... mais aussi pour nous-mêmes.
Notre profession a suffisamment été décriée au seul motif que ses résultats à court terme étaient peu visibles et à long terme indémontrables, pour que nous manquions ce rendez-vous.
Il est vrai que l’objectif principal n’est pas la réparation de l’éducateur... Quoique...
Vous avouerais-je que j’ai toujours pensé qu’un éducateur bien dans sa peau gagnait en efficacité, et donc que si les effets structurants de la réparation, ce dont j’espère vous avoir convaincu, permettent d’abord de réparer l’enfant : en réparant, on se répare, il n’est point gênant qu’à l’occasion ils réparent aussi les éducateurs qui de temps à autre en ont bien besoin.
Bernard Bobillot
In JDJ n°179 Novembre 1998
bobillot@ifrance.com