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AVSi AVS-co

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bougui

AVSi AVS-co

Message non lu par bougui » 25 juin 2006 16:17

Une analyse critique d’un dispositif légal comme celui instaurant la fonction d’Auxiliaire de Vie Scolaire (AVS) révèle davantage qu’une nouvelle déclinaison de l’exploitation sous régime précaire (désormais tellement banalisée qu’elle en deviendrait pour certains acceptable) des mains d’œuvre étudiante et/ou exclue du marché du travail.

Elle révèle tout d’abord le mépris de ceux qui tiennent le crayon du Législateur, à la fois envers le personnel employé (les AVS) et le public visé par sa création (les enfants en situation de handicap).

Du mépris ?

Les AVS sont muets et invisibles (car non-prévus dans toute instance de régulation collective -notamment le "comité départemental de pilotage du dispositif AVS") et également temporaires (c'est la mode, il faut dire).

Ils sont néanmoins estimés par le législateur, a fortiori avec les dispositions de la loi de février 2005 réformant la loi de 1975 sur le handicap (bien qu'ils n'y apparaissent pas explicitement mais sans doute compris dans les "aides et accompagnements complémentaires nécessaires", selon l'article 21.), comme des éléments centraux dans la politique d'intégration scolaire du handicap.

Alors, envoyer des personnes travailler à faire une place au sein de l’école à des élèves handicapés sur la seule base de leur motivation profonde à intégrer les champs professionnels de l’éducatif ou de l’enseignement –laquelle pourtant pourrait inspirer des politiques sociales qui y trouveraient un appui formidable, en d’autre terme sur la seule base de leur bonne volonté, en ne prévoyant pour elles qu’un total de 60 heures de formation non-professionnalisantes réparties sur trois ans (et parfois inexistantes ou incomplètes) ; envoyer ces personnes participer à favoriser la place des élèves handicapés au sein de l’école sans qu’elles n’en fassent partie d’aucune manière puisqu’elle ne font qu’y passer ; créer un dispositif appelé à voir se succéder d’éternels débutants puisqu’à l’instar des Assistants d’éducation dont ils partagent le statut les AVS ont une durée d’exercice limitée à six ans ; créer un dispositif dont la loi qui en est à l’origine présente la fonction d’AVS (en interdisant explicitement d’envisager tout caractère professionnel des interventions) comme un
« tremplin » vers les métiers du travail social et de l’enseignement…

est-ce là vraiment une preuve de considération envers les enfants, les AVS, les enseignants ?

De plus, les champs professionnels dont relèvent les métiers destinés au fameux "tremplin" (c'est à dire l'enseignement et le travail social), laminés législativement, subissant de plein fouet des restrictions budgétaires, des non-renouvellements de postes assimilables à de véritables suppressions, en bref étant en grande difficulté consécutivement à la stratégie gouvernementale de retrait de l'Etat de ses fonctions sociales, ne pourront accueillir tous les prétendants qui, en plus, ne se limitent pas aux seules personnes travaillant en qualité d'AVS... Seuls, parmi ces derniers, accéderont ceux accumulant les dispositions leur permettant de réussir et qui, sans généraliser à l'excès, sont aussi les plus dociles, les plus pressés et ainsi les plus prompts à cautionner, valider et se satisfaire du bien-fondé de ce "tremplin" du fait même de leur réussite.

Les autres, ne s'acquittant pourtant pas forcément moins bien de leur travail mais échouant aux portes des concours ou dans leur cursus s'ils en suivent un -car les étudiants ne sont pas les seuls à être recrutés sur des postes d'AVS-, se verront, au terme des six ans (ou avant, tant six ans sous ce statut peuvent être difficiles à vivre) re-balancés sur le marché du travail... et prêts, pour simplement "gagner leur vie", à constituer une nouvelle force de travail d'appoint pour pas cher -et sans doute pour pas très longtemps.

Voilà, en sus du CNE et du CPE, le voeu du "travail libéré" du MEDEF en pleine réalisation.

La différence notable (mais l'est-elle vraiment ?) est que l'employeur est public...

Et qu'en est-il de ceux qui franchiront avec succès le "tremplin" vers un travail attendu comme stable et pourvoyeur de bonheur individuel dans les champs de l'enseignement et du travail social ? En d'autre terme qu'en est-il pour les futurs professionnels de l'éducation et de l'éducatif ?

Tout se passe comme si on voulait les habituer au travers de leur passage sous le statut des AVS, au régime précaire : formation et salaire réduits au minimum, atomisation des pratiques et individualisation du rapport au travail. Le tout assortie des conséquences dont on ne sent que trop les effets aujourd’hui dans le monde du travail (et dont on identifie que trop peu le rôle des médias dans leur entretien, opinion personnelle) : méfiance hostile vis-à-vis des organisations collectives professionnelles, ignorance des cadres législatifs qui définissent les activités, désintérêt pour la construction historique des champs professionnels.

Autant d’éléments qui conduisent aussi à penser que la précarité n’est pas que statutaire.

Le dispositif AVS se révèle également comme un symptôme avancé de la stratégie gouvernementale qui consiste à déqualifier -et disqualifier- les champs professionnels qui éduquent, enseignent, soutiennent et soignent.

Des champs professionnels à large majorité féminine, soit dit en passant.

Concernant les AVS, les recettes sont éprouvées et fonctionnent en plein : le moteur du dévouement, l’alibi de la richesse humaine du travail avec des enfants handicapés, la grande pancarte de
« l’expérience à prendre », le pathos inhérent à certaines situations extrêmement difficiles de familles d’enfants handicapés : voilà ce qui permet efficacement d’éviter d’aborder toute perspective critique du statut des personnels, voilà même ce qui permet presque de rendre obscène jusqu’à son idée. Voilà également ce qui se décline sur mesure pour chaque métier de ces champs professionnels quand leurs représentants sont mis face au choix de la contestation ou du silence.

Voilà, encore, ce qui sous-tend les piètres analyses de la majorité des médias dominants quand ils « couvrent » un mouvement contestataire relevant de ces champs. (opinion itou, nuançable)

"Comment osez-vous contester aux vues de la situation des personnes avec lesquelles vous travaillez ?" De quoi valider le lieux commun de la lutte "corporatiste" pour la "conservation des avantages acquis"...

Déqualification, disqualification.

On peut ajouter que la loi instaurant le dispositif AVS utilise un champ sémantique semblant restreindre la notion de handicap aux seules déficiences motrices alors même que la réalité du terrain montre que troubles du comportement, maladies mentales et trisomie concernent une majorité des enfants accompagnés par les AVS… rendant ainsi invisible législativement parlant -la loi instaurant le dispositif AVS- toute une frange de l'enfance handicapée.

Il semblerait ainsi que la stratégie politique consiste en la chose suivante : remplacer petit à petit des métiers véritables (ayant une culture professionnelle et un héritage historique, une conscience de communauté de pratique) par des "fonctions" temporaires de personnel atomisé travaillant sous un statut juridique on ne peut plus précaire. La fonction d'AVS n'est pas la seule, loin de là, à correspondre à ces fameux "nouveaux métiers" qui leurrent les bonnes volontés de toute une frange de la population active désireuse de pénétrer les champs professionnels de l'enseignement et du travail social mais échouant face à l'incessante croissance de la sélection à l'entré, sélection illustrée par exemple (et la réforme du CRPE est là pour le démontrer) par la forte augmentation des exigences strictement scolaires, par nature destiné à faire réussir non les plus compétents a priori mais les plus conformes à servir l'illusion d'un sytème injuste et discriminatoire.

Malgré le bien-fondé (c'est mon avis) de la volonté de décloisonner l'enseignement spécialisé et l'enseignement dit ordinaire (historiquement en France construits séparément), volonté à la base de la politique d'intégration scolaire du handicap, où est l'intérêt des enfants concernés par cette politique quand les moyens mis à sa disposition sont en telle disproportion avec les ambitions affichées ?

De plus ces dernières, à l'heure où le marketing semble avoir dévoré tout cru la communication politique des élus vers le peuple français, ne peuvent se suffire à elles-mêmes et a fortiori quand l'ensemble de la politique d'un gouvernement et de ses choix budgétaires les contredisent complètement.

Pour conclure sur l’analyse et se recentrer sur les AVS et leur quotidien, ajoutons que malgré les indications d’une circulaire datée du 15 juillet 2004 les Inspections Académiques poursuivent leur recrutement de personnel à mi-temps ou à temps partiels imposés afin de « couvrir » un maximum de « besoins » et ainsi se satisfaire du bon usage de la rationalité statistique (et du monopole de la pensée gestionnaire) en négligeant les situations financièrement extrêmement difficiles d’une immense majorité des AVS.

Mais ajoutons que la circulaire en question, produite à l’été 2004 par le ministère en réaction aux vives critiques des syndicats consécutives au bilan de la première année, ne fait que recommander une application des textes qui reste inapplicable aux vues des moyens alloués pour sa mise en œuvre. Ce qui ne saurait être ignoré du ministre, très habile dans le semblant de l’écoute et de le fait de feindre la considération, à l’image de son réseau politique, et si prompt à communiquer, y compris par les voies réglementaires.

Déqualification, disqualification, mépris et manipulation.

Comme disait un jeune professeur de philosophie en poste au Lycée de Pau en 1964 : « les temps sont durs, mais ils sont modernes ».

(il s'agit de Pierre Bourdieu, dont la dédicace de cette tentative d'analyse est ici volontairement explicitée).

marie

Re: AVSi AVS-co

Message non lu par marie » 26 juin 2006 00:47

tout est dit bougui. je suis avsije suis renouvellée par avenant tous les ans. pour l'instant je suis à temps complet, sais tu si tous les ans on peut me modifier mon contrat (passer en 3/4 temps ou mi-temps) parce que moi financièrement ça ne m'arrange pas du tout?

Bougui

Re: AVSi AVS-co

Message non lu par Bougui » 26 juin 2006 11:13

Bonjour Marie

Dans la plupart des départements, les temps pleins n'existent plus. Nos employeurs, les Inspections Académiques, emploient de plus en plus les AVS sur des contrats à 50% ou à temps paritiels imposés.

Dans mon département, il n'y a déjà plus de recrutement, plus de passage à temps plein possible.

L'objectif est de laisser les AVS partir au fur et à mesure et les remplacer par les Contrats d'Avenir (CA) et Contrats d'Accompagnement vers l'Emploi (CAE, c'est à dire les actuels Emploi de Vie Scolaire (EVS), qui seront très rapidement employés par les Conseils Généraux via les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH). (ce mouvement est déjà entamé dans certains départements).

Car ces contrats sont encore plus précaires que les nôtres, c'est à dire beaucoup plus économiques.

Donc il est possible que ton IA te propose plutôt un mi-temps ou un temps partiel d'une année sur l'autre...

... bien que chez moi, ils aient décidé de ne pas "rétrograder" un contrat déjà à temps plein, même pour un renouvellement.

(Désolé pour les sigles, mais faut s'y faire...)

Bon courage

marie

Re: AVSi AVS-co

Message non lu par marie » 26 juin 2006 22:39

ce qui m'énerve c'est les différents sons de cloches que l'on a selon les personnes interrogées. Il y a meme pas un mois notre formateur attitré nous a sorti tout un baratin sur la pérénisation de l'emploi et le choix qu'a fait l'IA de conserver ses AVS. En vagabondant sur différents forums (j'ai lu tes explications sur celui de daniel calin) je me rends compte qu'on nous raconte n'importe quoi. L'intégration , une priorité de l'état: dans les textes oui c'est tout!
Quelles seront mes conditions d'embauche à la rentrée, dans quelles conditions accueillera t-on ces enfants?
Qui sommes nous au sein de ces écoles? qui sommes nous au yeux des professionnels? qui reconnait notre spécificité?

Badou

Re: AVSi AVS-co

Message non lu par Badou » 29 juin 2006 18:59

Mon Dieux comme tout ce qe tu dis Bougui est criant de vérité...et c'est à la fois trés à lire car je suis AVSI depuis presque 3ans et en lisant tout ça je me suis dit que jamais je n'aurais dû accepter un poste AVS..car là j'ai l'impression d'être enfermé dans un système et que l'avenir est flou...
Je sais pertinemment que se sont des emplois précaires et qu'il ne fallait trop compter là dessus pour notre avenir...mais on nous quand fait miroiter des trucs (la VAE, par exemple, qu'on pourrait nous pérènniser...)
Bref, merci pour ce poste Bougui et bonne route à tous !!!

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