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éducs en EPM et CEF : un oxymore ?

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Pierre

éducs en EPM et CEF : un oxymore ?

Message non lu par Pierre » 26 juin 2007 13:41

La définition de l'oxymore est assez simple : il s'agit d'associer un mot et son contraire. Par exemple : "l'obscure clarté des étoiles", "le génie militaire", "une belle toile cirée"... Le sujet que je propose soulève de nombreuses interrogations : le fait d'être éducateur en EPM ou en CEF est-il un oxymore ? Autrement dit, peut-on considérer que l'éducation est conciliable avec la contention ?

Très franchement, combien de futurs éducs se sont posés la question de savoir ce que signifiait le terme "éducatif" ou "éducation" ? C'est pourtant un préalable indispensable afin de trancher cette question.

Je vais partir du postulat que "l'éducatif" c'est d'accompagner un enfant à l'autonomie (sociale, professionnelle, intellectuelle, culturelle...). Jusque là, je pense qu'une grande majorité d'entre vous seront d'accord avec moi.

Dès lors une autre question importante se pose : quel est l'élément incontournable pour atteindre cet objectif ?... un peu d'effort voyons ! Cherchez bien...
Je vais vous aider avec quelques exemples : votre enfant de 3 ans a une furieuse envie de monter seul les escaliers de la maison. Deux solutions s'offrent alors à vous : 1. angoissé à l'idée qu'il se casse la gueule à la troisième marche vous décidé de lui tenir la main jusqu'à 18 ans. 2. Vous avez conscience que la première solution n'est pas la plus adaptée et votre instinct paternel ou maternel vous conduit à penser qu'il est temps qu'il commence à se débrouiller seul. Vous décidez donc de l'accompagner, sans lui tenir la main et de prendre le risque qu'il tombe. C'est un risque compliqué à assumer mais vous savez que c'est indispensable pour afin qu'il évite de passer pour un naze à sa

pierre

Re: éducs en EPM et CEF : un oxymore ?

Message non lu par pierre » 26 juin 2007 14:19

majorité.
Deuxième exemple : vous êtes éduc dans un foyer d'hébergement classique. Depuis 15 jours, une adolescente de 16 ans est arrivée au foyer. Ces parents souffrent d'alcoolisme, elle est déscolarisée depuis 6 mois et manifeste une agressivité importante. Le 16ème jour, elle se présente au bureau des éducs et demande à sortir du foyer pour acheter le pain du matin. La question quotidienne de l'éduc de foyer se pose une fois de plus : est-ce que je prends le risque de la laisser sortir ? Si je dis non je limite les risques mais je suis incapable de mesurer la portée des discussions que nous avons eu depuis 15 jours. Si je dis oui, je prends un risque mais je peux enfin vérifier où elle en est !

Vous l'avez compris je pense, l'élément incontournable du travail éducatif c'est "la prise de risque". Elle est partout présente dans le travail éducatif et c'est sans doute pour cette raison que les éducs se "réunionent" souvent.

Si jusqu'à présent vous partagez ce raisonnement, une autre question s'impose : peut-on prendre des risques dans un lieu fermé ?
J'ai souvent visité des jeunes qui étaient incarcérés. A chaque discussion avec eux j'en ressortais un peu troublé. J'avais en face de moi des mineurs qui affichaient une réelle volonté de s'en sortir. Sur le moment ils étaient profondément sincères : souhaitant reprendre l'école le lundi, devenir charpentier le mardi, cuisinier le mercredi... Mais une fois à l'extérieur...patatra ! Il est vrai qu'en prison on a rarement l'opportunité de rendre visite à la cellule du deuxième étage pour fumer un joint et mater un DVD. Lorsque l'on se rend à une activité en prison il est aussi très rare qu'un co-détenu vous interpelle en disant "laisse tomber et vient plutôt boire un canon au café". Au fond, les tentations sont minimes et la prise de risque proche de la nullité (à l'exception du risque physique lié à la promiscuité et à la loi du plus fort qui y règne).

D'un point de vu éducatif c'est plutôt peinard : le gamin dit amen à tout ce que tu lui dis et il ne le fait pas avec malice, il est très sincère. L'éduc se dit alors qu'il fait du bon boulot.

Concernant cette adolescente qui est partie acheté le pain : il y a deux possibilité. 1. Elle est rentrée avec le pain, le sourire et surtout la monnaie. Le directeur s'approche de l'éduc et d'un ton assez paternaliste lui dit "bon boulot". 2. Elle est pas rentrée. Elle a acheté des clopes et pris le train sans billet. Elle a violemment agressé le contrôleur. Le directeur s'approche de l'éduc et avec un ton de directeur lui dit "bordel mais qu'est-ce que vous avez foutu ?"

Qui va oser dire qu'il fallait prendre le risque ? Pas les politiques bien que se soit leur rôle...électoralement parlant ça coûte cher ! Pas les cadres, carrièrement parlant c'est un handicap.
Seuls quelques travailleurs sociaux ou syndicalistes attardés prennent ce risque et ils finiront par en crever !

Bon courage à tous ceux et toutes celles qui décident de bosser en EPM et CEF. C'est toujours difficle de faire un métier différent de celui que l'on a choisi.

lille

Re: éducs en EPM et CEF : un oxymore ?

Message non lu par lille » 07 juil. 2007 21:54


merci Pierre !

essais -erreurs;.. c'est ça la vie! notre boulot: tenter des les armer pour que leurs erreurs ne les empêchent pas de vivre le mieux possible et ne soient pas que des catastrophes! euh je parle de nos jeunes ou de mes gosses là ? lol

Plus sérieusement, s'il y avait eu un epm à côté de chez moi j'aurai postulé... convaincue que je suis que sil ya bien un endroit où l'éduc doit être expérimenté et chevronné, devant connaitre les institutions, réseaux, les méandres de l'administration,les jeunes aussi par exemple!lol, les fonctionnements des familles et de leur environnement et bien il y a sa place aussi...je serai bien allée filer un coup de main à nos ts jeunes collègues voir de quel bois ils se chauffent, de quelle idéaux ils se réclament de quelle envie de bosser ils affichent, de quelles déceptions ils devront se rétablir ... mais lepm le plus proche est à 380 bornes !
pour l'heure je n'ai que des a prioris pas tous négatifs... ils ne fonctionnent pas encore difficiles d'être catégorique !
mais pour sûr je m'inquiéte de tant de places prévues alors même que le nombre de mineurs incarcérés est en deça de ce nombre de places, surtout les filles! pour sûr je m'inquiète de la durée des incarcérations!
pour sûr j'aurai préféré que tout ce fric engagé pour les epm soit réparti pour améliorer la situation de certains quartiers mineurs qui ne disparaitront pas selon les régions, quil soit affecté aussi ds les structures pjj existentes, pour les PJM, les cautions de logement, le transpport, les soins dentaires, les lunettes, les cours de soutien, les recherches d'emploi etc...mais je rêve encore!

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