Depuis la sortie de « La Familia grande » de Camille Kouchner en 2021, le déni, la lâcheté, voire l’indifférence face au crime d’inceste sont souvent dénoncés. Ils concourraient au faible nombre des condamnations annuelles (1 000 pour 160 000 victimes).
Mais peut-on continuer à parler de « déni » ou d’« indifférence » sans étudier précisément les réactions des uns et des autres quand un inceste est suspecté et/ou dénoncé ?
Seules des enquêtes empiriques qui distinguent les places occupées par chacun lorsqu’un inceste a été commis et révélé permettent de sortir du caractère impressionniste de ces constatations. En effet, les réactions à l’inceste dépendent de ces places de victime, d’agresseur, de parent, d’ami, de collègue, de voisin, d’enseignant, de travailleur social, d’enquêteur, etc. : suspecter, dénoncer, se taire, commérer, nier, enquêter, s’exprimer, révéler, s’inquiéter, rester indifférent…
Des enquêtes de terrain montrent qu’à la protection de l’enfance par exemple, les professionnels ne sont pas dans le déni, mais qu’ils sont le plus souvent embarrassés et pris dans des contraintes procédurales. Les suspicions d’inceste y sont parlées et réfléchies, mais l’organisation institutionnelle empêche les professionnels de toutes les signaler et de les conduire jusqu’à l’enquête de police qui, seule, peut établir des faits criminels.
Quelles places occupent les acteurs d’un signalement ? A quelle condition la suspicion d’inceste d’un professionnel parvient-elle au substitut du procureur et à un service de police ou de gendarmerie ? Et quelle solution existe-il pour protéger un enfant lorsque, fautes d’éléments suffisants, la suspicion ne peut pas être transmise au substitut du procureur pour une enquête ?